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Stephen A. Zacks / La construction théorique du cinéma africain 343
sées pour discuter du cinéma africain, qui prennent toutes pour acquis que
le cinéma africain devrait être essentiellement distinct, bien qu'elles aient
du mal à identifier ses caractéristiques uniques. Sans nier que le cinéma
africain puisse avoir des qualités uniques, ni invalider les positions des réa-
lisateurs qui se considèrent comme établissant une tradition africaine dis-
tinctive avec ses propres techniques de représentation, je vais essayer de
démontrer comment les questions trompeuses de l'authenticité et de l'ap-
propriation limitent le pouvoir idéologique du cinéma africain. Parmi les
nombreuses et riches possibilités théoriques disponibles pour l'interprétation
des textes cinématographiques africains, ces trois positions théoriques re-
lativement discrètes réapparaissent de manière récurrente: le néo-marxisme,
le néo-structuralisme et le modernisme.
Le néomarxisme, le plus courant et le plus fondamental des dis-
cours postcoloniaux, accorde la plus grande valeur et autorité à l'opposition
ou à la résistance, en mettant l'accent sur la valeur de la subversion des
formes, méthodes, genres et institutions dominants. Il se fonde sur une cri-
tique de la production et de la représentation qui remonte le plus directement
à l'école de Francfort; typiquement, il cherche à définir comment les pro-
duits culturels peuvent subvertir, ou exister indépendamment, d'une super-
structure capitaliste. Cette position critique évalue les textes en fonction de
leur relation avec les systèmes de production dominants et les idéologies
dominantes ; elle caractérise les textes issus de l'idéologie dominante et des
systèmes de production capitalistes comme étant moins authentiques ou
moins précieux que ceux souvent compris de manière spécieuse comme
étant enracinés dans une idéologie et une pratique de résistance .
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Une deuxième position critique, le néo-structuralisme, adopte une
position presque scientifiquement objective, contrairement à la position
néo-marxiste, qui est généralement ouvertement polémique; son objectif
est de décrire ou de traduire des produits culturels pour différents publics
plutôt que de prescrire ou de proscrire des pratiques cinématographiques.
La méthode typique implique l'emploi de catégories binaires pour caracté-
riser les éléments du texte et pour servir de médiateur entre les présomptions
des lecteurs occidentaux et le contexte historique, artistique ou culturel du
texte. Les lectures néo-structuralistes, comme les néo-marxistes, sont fon-
dées sur la différenciation des films africains des films occidentaux; mais
alors que le néo-marxiste cherche à valoriser et à accentuer la différence,
le néo-structuraliste considère que la différence est déjà présente dans le
texte ou dans la réalité, et souhaite simplement démontrer les différences à
travers lesquelles le sens peut prendre place .
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