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Tomaselli, Shepperson, & Eke / La théorie de l’oralité       425

          seulement les subjectivités de leurs réalisateurs, mais aussi les stratégies de
          réception et les interprétations de leurs spectateurs africains non occiden-
          talisés ou partiellement acculturés. La séparation du texte et du contexte,
          une limite de la théorie de l’écran est un « régime de signification », quelle
          que soit l'allégeance idéologique de ceux qui appliquent cette méthode.

          Les théories sont nécessaires pour expliquer les diverses applications afri-
          caines, souvent très différentes et originales, des technologies d'imagerie et
          d'enregistrement et l'esthétique qui en résulte, qui prend en compte les sub-
          jectivités et les cosmologies de groupes particuliers de spectateurs. De telles
          théories doivent examiner dans quelle mesure les spectateurs lettrés, semi-
          lettrés et non-lettrés interagissent à travers les cultures et les gnoses occi-
          dentales et africaines. Il s'agit d'un point crucial car la vue  (c'est-à-dire
          l'accent mis sur le visuel) fragmente la conscience, la relation Sujet-Objet,
          plaçant l'observateur en dehors de ce qu'il voit ou étudie.
                 Une telle explication ne peut pas facilement être expliquée par une
         analyse psychanalytique freudienne ou lacanienne non reconstituée  . Un
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         exemple de ce type d'ignorance de l'évidence dans la recherche de l'abstrait
         peut être trouvé dans la tentative difficile de Jeanne Prinsloo de compren-
         dre le cinéma africain à travers des perspectives féministes. Citant les exem-
         ples de On the Wire d'Elaine Procter (1992) et de Mississippi Masala de
         Mira Nair (1992), Prinsloo utilise les catégories explicitement pro-patriar-
         cales (œdipiennes) de la psychanalyse pour affirmer des arguments anti-pa-
         triarcaux. Cela  présuppose que  l'on peut généraliser d'une  mythologie
         explicitement européenne aux traditions orales (et orales résiduelles) et aux
         gnoses enracinées dans des cosmologies entièrement différentes. Nous ne
         prétendons pas que les théories culturelles ou cinématographiques d'autres
         sociétés sont inappropriées dans le contexte africain. Nous voulons plutôt
         dire qu'elles ont un intérêt différent dans ces sociétés en partie similaires et
         en partie différentes, qui présentent souvent dans leur temporalité généra-
         tionnelle et culturelle  une  simultanéité  du moderne,  du postmoderne  et
         même du pré-moderne  .
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                 Les interprétations africaines des médias occidentaux, leur réarti-
         culation dans différents contextes africains, et les mélanges théoriques qui
         reconnaissent l'impact sur nos outils analytiques de la façon dont les théories
         voyagent et mutent ont également besoin d'être expliqués et développés. Une
         voie  pour  une  telle  explication  est  d'étudier  la  façon  dont  les  cinéastes
         africains critiques ont essayé d'indigéniser les perspectives théoriques sur le
         film, la vidéo et le cinéma au sein du continent africain  . A l'exception de
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         Teshome  Gabriel,  Haile  Gerima,  Francoise  Pfaff,  A.  Gardies  et
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