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Tomaselli, Shepperson, & Eke / La théorie de l’oralité 429
par le contexte essentiellement oral de la subjectivité dans ce qu'on appelle
le tiers-monde.
Depuis les années 1980, le Troisième Cinéma a été redéfini dans d'au-
tres sites de résistance, y compris dans les situations du Premier Monde où
les conflits de classe, de genre et d'autres types de conflits sociaux ont pris
divers caractères raciaux/ethniques . Le Troisième Cinéma est un ensemble
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de stratégies politiques utilisant le film (et la vidéo) pour articuler les expé-
riences et les espoirs des opprimés coloniaux . Son but, selon les initiateurs
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du terme, Solanas et Getino, est de créer un « espace libéré » pour l'émanci-
pation. Le troisième cinéma s'est engagé dans les aspects positifs de la théorie
de l'écran dans une direction émancipatrice, mais a introduit de manière cru-
ciale des approches ethnocentriques non anglaises et non occidentales dans
la politique culturelle européenne, politique culturelle européenne. En pour-
suivant ce cadre, le critique doit créer des théories adaptées à la situation, qui
correspondent aux expériences des publics non occidentaux, plutôt que de
faire entrer les spectateurs dans une grande théorie préexistante.
Une grande partie du cinéma africain est du troisième cinéma par na-
ture, si ce n'est par dérivation directe. Un exemple est Sankofa (1993) de
l'éthiopien Haile Gerima. Sankofa est un terme Akan qui signifie « retourner
à son passé, le sauver de l'oubli et se tourner vers l'avenir ». Le film raconte
l'histoire d'un vivace modèle photographique ghanéen contemporain, mona,
qui, à la suite de sa possession par des esprits, retourne dans le passé brutal
où elle a vécu comme esclave dans une plantation de sucre nord-américaine.
Grâce à cette récupération moins qu'agréable de l'expérience historique de
l'esclavage et du viol via la mémoire culturelle populaire inconsciente (prêt-
à-penser) induite par le médium spirituel, nommé Sankofa, Mona retrouve
son identité africaine et rejette le consumérisme, l'exhibitionnisme et l'idolâtrie
occidentaux.
Initialement, les films africains, et une grande partie du troisième ci-
néma, avaient tendance à être explicitement politiques, bien que cette dimen-
sion se soit adoucie au cours de la dernière décennie environ. Ils partent de la
prémisse sociale selon laquelle la communauté est dans l'individu plutôt que
l'individu dans la communauté, comme c'est le cas dans le cinéma de genre
occidental. La paysanne islamique de dix-neuf ans dans Ramparts of Clay
(de Bertuccelli, 1971, France), par exemple, représente une prise de
conscience personnelle émergente, mais dans le contexte d'une allégeance
inébranlable à la liberté de sa communauté paysanne. Dans le processus de
suppression de sa subjectivité individuelle, elle commet sciemment un suicide