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Tomaselli, Shepperson, & Eke / La théorie de l’oralité 427
La clé de la tâche consistant à développer des théories du cinéma
applicable au contexte africain exige de repenser la sémiologie psychocen-
trique occidentale qui informe une grande partie de cette théorie . La réac-
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tivation des textes réduits au silence dans les traditions orales africaines
encore ancrées dans les traditions culturelles résiduelles survivantes et la
mémoire populaire semble nécessiter une autre forme d'argumentation et
de théorie. En termes généraux, la théorie du cinéma est elle-même une
forme de métarécit, dans laquelle les catégories de la réception visuelle et
de la représentation filmique sont organisées de manière à fournir à l'ana-
lyste le cadre d'une argumentation permettant de persuader les autres de
comprendre les films d'une manière plutôt que d'une autre.
Le problème de l'utilisation de ces catégories est qu'elles ont ten-
dance à être appropriées comme ayant un statut a priori, au lieu d'être com-
prises comme les résultats négociés d'une activité historique et
intergénérationnelle. Par exemple, l'utilisation par Prinsloo de la théorie des
catégories narratives de Vladimir Propp en conjonction avec la psycha-
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nalyse lacanienne donne lieu à l'argument possible suivant (narratif)
lorsqu'il est strictement appliqué dans le discours occidental (même si Prins-
loo s'y oppose explicitement):
1) tout récit cinématographique est a priori précédé de catégories narratives
proppiennes;
2) tout spectateur de film est a priori précédé par son statut œdipien;
3) donc, on peut évaluer un film en demandant aux spectateurs de remplir un
questionnaire œdipien formulé de manière appropriée, et non pas de le faire.
Un questionnaire œdipien formulé de manière appropriée, sans
avoir à se donner la peine de regarder le film soi-même.
Ces types d'hypothèses a priori soulignent à quel point les théories
du cinéma ont tendance à minimiser le potentiel de la théorie critique dans
l'analyse du film en exposition et en réception.
La manière dont l'espace à la fois public et fermé de la projection
d'un film peut être approprié selon les traditions publiques d'une forme de
vie donnée lie ce qui est montré à des expériences possibles très différentes
de celles prévues par les producteurs de films commerciaux et d'art. L'eth-
nographie de Hamid Naficy sur les spectateurs dans les cinémas iraniens
en est un exemple frappant: il y décrit toutes les activités extraordinaires
qui se déroulent pendant la projection du film. Ces activités vont de l'achat
et de la consommation de repas chauds à l'urination sur le sol. Ceux qui
avaient déjà vu le film racontaient l'histoire avant l'action à l'écran, ce qui