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                traditionnelles de conserver une grande partie de leur structure, mais elle crée
                aussi une nouvelle Afrique  .
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                       Comme Delavignette a expliqué plus tard, la version cinémato-
             graphique a suivi de près le roman dans sa structure et ses dialogues  .
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             Il était important que le « roman réaliste colonial » de 1931 soit traduit en
             format celluloïd aussi exactement que possible, non seulement pour préser-
             ver l'effet naturaliste de l'original, mais surtout pour créer le genre de film
             qui serait bien accueilli par le public africain et présenter aux spectateurs
             extérieurs l'impact positif de la domination française sur les sociétés afri-
             caines. Bien qu'il n'existe aucune copie connue du film, son scénario (ap-
             prouvé par  Delavignette)  est  conservé dans  les documents privés  de
             Delavignette. Documents privés de Delavignette actuellement conservés
             aux Archives coloniales françaises à Aix-en-Provence, France. Si la version
             cinématographique a suivi le traitement et le scénario, elle aurait ressemblé
             de près au roman, ce dont témoignent les fonctionnaires coloniaux et De-
             lavignette après avoir vu le produit fini  . Le « régime de représentation »
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             contenu dans Paysans Noirs avait pour but de transmettre une réalité exis-
             tante tout en l'actualisant dans le processus d'articulation  . Le film était
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             l'archétype de ce que le cinéma devait être à la fin de la période coloniale.
             Il a fixé la barre de ce qui était acceptable dans le domaine de la représen-
             tation tout en démontrant, par le processus même de sa production et de son
             message, le rôle du film dans la dimension matérialiste du complexe indus-
             triel cinématographique.


                       Cependant, les administrateurs français n'étaient pas les seuls à
             concevoir la modernité africaine telle qu'elle s'est dessinée après 1945. Cer-
             tains africains qui avaient été formés dans les écoles françaises voyaient
             également la coopération franco-africaine comme la seule voie vers la for-
             mation d'une culture africaine digne du vingtième siècle. Au printemps
             1945, les fonctionnaires d'Afrique de l'Ouest découvrirent un essai publié
             par un étudiant en médecine, Conte Saidou, dans Clarté, qu'ils conservèrent
             comme preuve que la mission civilisatrice était acceptée par leurs sujets.
             Intitulé « Une Culture Africaine », l'essai explore les bases d'une identité
             africaine émergente qui permettrait le développement économique et social
             tout en préservant l'essence africaine. Saidou écrit: « L'école française a
             parfaitement réalisé la cohésion des éléments (français et africains) et a en-
             tamé le processus de création d'une fédération qui commence à comprendre
             et à centraliser leurs intérêts, qui implique une communauté de culture et
             une homogénéité d'aspirations ». La base de cette nouvelle formation est
             « une synthèse des cultures française et africaine ». Il cite ensuite un article
             récent de Mamadou Dia dans Dakar-Jeunes, dans lequel il proclame : «Il
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