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avantages attendaient les européens et les africains. Les scènes sont géné-
ralement composées de longs plans permettant au spectateur d'absorber la
spécificité du récit qui se déroule ainsi que la majesté des sujets qui jouent
le drame. Contrairement aux films antérieurs (comme les films de Tarzan)
qui ont été découragés dans les années 1950, le nouveau cinéma colonialiste
privilégie les éclairages vifs, les espaces ouverts et un développement plus
lent de l'intrigue qui permet un plus grand développement des personnages
(dans des limites déterminées par l'Empire) . Il était crucial que les publics
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africains et extra-africains puissent chacun s'identifier au régime de repré-
sentation projeté sur l'écran tout en absorbant le message intégré dans la
structure narrative. Le produit devait parler un langage cinématographique
intelligible, sinon il échouerait dans son objectif et risquerait de semer le
genre de confusion contre laquelle Delavignette a mis en garde dans le pas-
sage cité au début de ce chapitre.
Un film qui a reçu le soutien du bureau du Haut-commissaire en
Afrique occidentale française était une production de la firme Suisse Stu- dio
RIF (Realizzazioni Industriali Fotocinematographiche) pour leur trai-
tement, « Civilisation européenne en Afrique ». En présentant leur argument
pour que le gouvernement colonial soutienne la réalisation de leur film
(avec un financement ainsi que l'utilisation de locaux et le tournage sur
place), la société a déclaré : « Les Européens qui vivent en Afrique ont une
mission à accomplir et un programme à terminer. Les conditions de vie des
primitifs qui subsistent à l'intérieur du territoire justifient complètement et
moralement cette mission ». La teneur de cette introduction, si elle plaisait
peut-être aux responsables français de la Fédération, n'en était pas moins
archaïque au regard du changement d'orientation qu'ils avaient pris en ma-
tière de représentation au cinéma. Cependant, l'élaboration plus complète
du film proposé convergeait avec ces paramètres d'image redéfinis. La pro-
position de Studio RIF se poursuit,
il est devenu courant de dire que l'Européen n'a fait qu’« exploiter » les popu-
lations locales: au contraire, [l'Européen] a rendu plus utiles les trésors détenus
dans les forêts ou enfouis dans le désert; l'européen a aussi amélioré le mode
de vie des populations primitives, ce mode de vie qui était incompatible avec
la morale sociale du 20e siècle.
Pour le coup de grâce, Studio RIF a résumé ses objectifs comme
suit : Réaliser un film qui montrera :
a) les aspects de la vie primitive qui survivent à l'intérieur du territoire;
b) les travaux publics réalisés et d'autres en cours d'exécution;