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James E. Genova / Le régime  colonialiste                     55

          est vraiment audacieux de rêver d'une renaissance culturelle en Afrique oc-
          cidentale française qui s'accomplirait (uniquement) avec les éléments spé-
          cifiquement africains, sans aucun mélange  » . Cet essai s'inscrit dans le
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          cadre de la tradition philosophique en développement appelée Négritude et
         dont l'exemple le plus frappant est l'œuvre du futur président du Sénégal,
         Léopold Sédar Senghor. Sa vision d'une modernité typiquement africaine
         impliquait non seulement une redécouverte de la nature essentielle de l'afri-
         cain en tant qu'être existentiel, mais aussi l'incorporation d'aspects de la ci-
         vilisation française qui permettraient à l'Afrique de contribuer de manière
         significative  à  l'amélioration  de  la  condition  humaine  .  Les  idées  de
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          Senhor et celles exprimées dans l'essai de Saidou reflétaient ce que Shaka
          décrit dans son étude comme la base historique et dialectique de la moder-
          nité africaine.  Ainsi, à la fin de la période coloniale, il y avait une conver-
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         gence  d'intérêt  croissante entre les  aspirations  de l'élite  éduquée  ouest-
         africaine et les dirigeants français de la Fédération qui, ensemble, mais à
         des fins différentes, ont contribué à délimiter le régime de représentation
         informant  la pratique cinématographique lors de  la transition  vers
         l'indépendance.


         Le régime de représentation dans l'Afrique de l'ouest des années 1950
                   Dans son examen du son, dans l'expérience cinématographique,
         John Belton écrit: « Les images atteignent la crédibilité dans la conforma-
         tion à la réalité objective; les sons, dans leur conformation aux images de
         cette réalité, à une reconstruction dérivée de la réalité objective ». Au ci-
         néma, est toujours présente, dans le positionnement de la caméra et du ou
         des microphones, une conscience qui voit et (dans le film sonore) entend et
         qui coexiste avec ce qui est vu ou entendu… Le cinéma reste l'art phéno-
         ménologique par excellence, mariant, sinon effondrant, la conscience avec
         le monde  .
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                   A  la  suite  du  succès  de  Paysans  Noirs,  dans  la  perception  des
          administrateurs coloniaux, les responsables impériaux se sont mis à définir plus
          agressive- ment  les  paramètres  de  la  «  représentation  »  de  l'image  de  l’Afrique
          acceptable dans le cadre de la politique cinématographique de l'époque. Ils l'ont fait
          en  finançant  ou en autorisant des films  qui poursuivaient le modèle  fourni par
          Paysans Noirs et en restreignant les films qui violaient les principes que l'État
         colonial avait établis comme base de son programme pour la Fédération. Dans ce
          processus,  la  langue  des  dialogues  des  films  et  le  cinéma  en  tant  que  mode
          d'expression  deviennent  des considérations  importantes  alors  qu'un  régime  de
          représentation colonialiste prend forme dans les dernières années de la domination
          française dans la région.
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