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James E. Genova / Le régime colonialiste 59
etc) un village moderne avec son école, son hôpital, ses organismes d'as-
sistance sociale. « Après avoir examiné le traitement, le CFCC a accordé
son autorisation le 19 décembre 1957 . Je n'ai pas pu déterminer si le film
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a effectivement été tourné, car les archives se refroidissent l'année suivante.
De plus, les bases de données cinématographiques ne contiennent aucune
référence à un film de ce titre sorti au cours de ces années. Il est probable
que la proposition soit arrivée trop tard pour être réalisée, car un peu plus
de deux ans plus tard, les territoires de la Fédération obtenaient leur indé-
pendance politique.
Ce qui est important pour les objectifs actuels, c'est la manière
dont ces propositions ont été traitées par l'État colonial par rapport à d'autres
films interdits ou censurés à la même période. Un traitement tel que celui
proposé par le Studio RIF s'inscrivait dans le langage cinématographique
privilégié par les responsables français de la Fédération, tout en l'interpellant
à travers le processus de production et de distribution. De manière signifi-
cative, le film devait se dérouler dans la vie villageoise d'une communauté
non nommée de l'intérieur de l'Afrique Occidentale Française. Cette toile
de fond permettait de réaliser le type de prises de vue « authentiques » né-
cessaires pour valider le film en tant que film « africain » dépeignant la
« réalité » de la vie de la population locale. Un tel cadre contiendrait des
prises de vue de la nature, des paysages, de la vie quotidienne et, surtout,
de l'interaction des européens et des africains alors qu'ils naviguent dans
les complexités de la transition du primitif au moderne, ou de l'entrée dans
le « 20 ème siècle », selon la proposition de Studio RIF. Enfin, le film devait
suivre la logique habituelle de l'histoire, à savoir une résistance initiale
transcendée par l'établissement d'une compréhension mutuelle et se termi-
nant par un « village moderne » doté de tous les accessoires de la « civili-
sation », mais qui restait fermement « africain » dans son essence. Un tel
film, s'il avait été réalisé, aurait répondu aux exigences formulées par les
fonctionnaires coloniaux, à savoir qu'il soit intelligible pour les publics afri-
cains et non africains. Il aurait « corrigé » l'image dominante d'une Afrique
toujours aussi arriérée après un demi-siècle de domination française, tout
en montrant à la population concernée qu'une modernité africaine était pos-
sible et souhaitable, sous la direction des européens.
Une autre proposition à laquelle le CFCC a donné une suite fa-
vorable, mais très tardive dans la période coloniale, est celle avancée par
les Films Pierre Cellier Dakar, le 2 janvier 1959. Partant de la même pré-
misse que le traitement cinématographique antérieur du Studio RIF, cette