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Après m'être déshabillée et démaquillée, je ravivai le feu de la cheminée en y déposant
plusieurs bûches qui s'enflammèrent rapidement. Stan, mon magnifique et très fidèle berger
allemand, récupéré quelque temps auparavant à la SPA pour me tenir compagnie, m’avait
accueillie comme chaque fois avec des effusions, gesticulations et couinements heureux.
Eperdu de reconnaissance d’avoir échappé à son sort de chien sans collier, il m’était
complètement dévoué et savait, avec un instinct sûr, flairer le danger. Féroce gardien, il me
protégeait, défendait ardemment notre maison. Ainsi, chaque matin quand j’arrivais de
Genève, ce chien ne me lâchait plus d'une semelle.
Comme à l’accoutumée, j’avalai mes somnifères et m'installai dans le fauteuil Voltaire face à
la cheminée, un plaid sur les genoux, mon gardien et mon chat à mes pieds. C’est à partir de
là que s’arrêtent mes souvenirs de ce jour effroyable, laissant vivaces ceux de la veille, de
mon début de soirée et de ma nuit passée sur le trottoir.
Seules quelques vagues images paroxystiques d'angoisse et d’horreur restent dans mon esprit
brouillé. Comme dans un cauchemar apparaissent des flashs de flammes puissantes et
gigantesques qui lèchent la façade de ma maison telles un feu d’enfer, de ma course éperdue
autour de cet immense brasier, de mes hurlements, de mes appels au secours désespérés,
d’une tentative pour entrer dans ma voiture, de mon chien qui aboie et hurle à la mort. Tout ce
qui m’entourait n’était plus qu'apocalypse. Puis, le néant.
Chapitre 15
Le feu
Que se passa-t-il ensuite, après mon laborieux sauvetage par les pompiers finalement arrivés
sur les lieux, avertis par une voisine qui habitait un chalet à 900 mètres à peine plus haut que
ma maison ? J’avais dû glisser, à bout de souffle après une course folle incontrôlée, dix, vingt,
trente fois autour de ma maison en feu, et perdre finalement connaissance au bas du ravin
encore enneigé à quelques mètres seulement de mon habitation en flammes. Que se passa-t-il
entre ce moment puis celui, bien plus tardif, où Renée-Claude me récupérera en état de choc ?
Jamais je n'aurais pu imaginer me retrouver allongée nue, recouverte d’une couverture dans
un canapé de la maison qui avait été la nôtre : celle où s'étaient focalisés puis brisés tous mes
espoirs, mon amour, la confiance que j’avais accordée à mon mari. J’étais pourtant bien là,
émergeant difficilement, le temps m’ayant échappé sans que je comprenne vraiment ce qui
m’était réellement arrivé. Depuis combien de temps étais-je là ? Combien de temps s’était
écoulé avant que je me rende compte que Fabien était auprès de moi et avant qu’il ne fît venir
un ami médecin ? Celui-ci, après m’avoir fait une piqûre, m’annonça qu’on allait m’emmener
dans une clinique pour me permettre de me reposer.
En toute naïveté, j’imaginai que l’on m’emmènerait dans une maison de repos
conventionnelle et n’opposai donc aucune résistance. Quelle ne fut pas ma stupeur, même
dans l’état désastreux duquel j’émergeais à peine, à l'approche de la Clinique des Vallées, un
établissement psychiatrique d’Annemasse que je reconnus et dont j’avais entendu dire que
plusieurs patients y étaient morts lors de cures de sommeil forcées ! Après une interminable
attente, allongée sur le banc de bois du hall d'entrée, je vis enfin arriver le chef de clinique,
désagréablement bourru, qui m'invita à me rendre dans son bureau. Chancelante, tenant à
peine sur mes jambes, je m’exécutai péniblement et pénétrai après lui dans cette pièce. Là, je
m'affaissai sur la chaise qu'il me présenta. Face à moi, le médecin voulut entrer en matière
avec un interrogatoire investigateur sur ce qui s’était passé, alors que mon seul besoin
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