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m’avait toujours permis de rebondir. J’étais alors confrontée au pire des événements
ravageurs de toute mon existence. Cet effroyable coup du sort ne touchait pas seulement à ma
vie physique mais aussi et impitoyablement à tous mes biens matériels. Nue comme un ver,
ne possédant plus rien que moi-même, quelle serait désormais ma raison de vivre ? Pourrais-
je un jour ou l’autre remonter la pente ? A trente-six ans seulement, dépouillée de tous mes
souvenirs palpables, je trouvais que mon avenir était désormais complètement dépourvu de
sens.
Comment était-il possible que je me retrouve dépouillée de tout, même de ma personnalité
mortifiée ? Mon cœur serait peut-être à jamais fermé puisque trop éperdu de douleurs.
Comment revoir, retrouver, apprécier les couleurs et les saveurs de l’été, de l’automne, de
l’hiver, des printemps magnifiques ? Et je pensais :
« J’ai peur de ne plus pouvoir me retrouver en votre compagnie, mes angéliques. Je vous
adresse mes prières à vous, mes âmes bénéfiques, à vous mes amours créateurs de bien et de
futur, aussi difficile soit-il. »
Chapitre 16
Errance
Une parenthèse pour reprendre mon souffle
Pour survivre, poursuivre ma route, ne pas mourir, je sentis l’impérieuse nécessité d’une
transition, un besoin vital de me retrouver seule ailleurs, de mettre des milliers de kilomètres
et autant d’images colorées entre moi et le brasier d’enfer dont j’avais réchappé, épuisée et
fragile. Il me parut indispensable, pour m’en sortir, de prendre de la distance.
Réflexion faite, j’eus alors l’audace, sans trop y croire, d’appeler ma belle-mère à la
rescousse. Sans ambages, je demandai qu’elle me verse une somme qui m’était nécessaire
pour partir très loin avant de perdre tout espoir : partir très loin, pour un temps tout oublier de
cette vie insensée qui s’était écroulée sans que j’aie compris vraiment ni comment ni
pourquoi. Partir, pour peut-être retrouver l’invulnérabilité qui s’était endormie au fond de
moi et que l’eurythmie d’un matin calme et ensoleillé pourrait éventuellement réveiller.
Sans soulever la moindre objection, ma belle-mère m’accorda la somme nécessaire à mon
départ. Préférait-elle me savoir au loin que prête à tout et au pire, à attendre sur place la
décision de l’assurance qui prendrait du temps, que je sois complètement indemnisée ou pas ?
Avait-elle peur de révélations qui auraient été inavouables pour cette femme de la grande
bourgeoisie ? En tout cas, elle choisit d’accéder à ma requête, me permettant de prendre le
large. La somme déposée sur mon compte en banque me donna une énorme bouffée
d’oxygène et me permit d’aller soigner mes blessures sous le ciel bleu des Caraïbes.
Je choisis pour première destination la Guadeloupe, île baignée par la Mer des Caraïbes, avec
ses plages de sable blanc, ses cocotiers et ses fonds marins féériques : c’est du moins ce que je
croyais…
J’apprendrais au cours de mon séjour que plusieurs fois Pointe-à-Pitre, où j’allais atterrir,
avait été ravagée par les incendies et les cyclones. Après une dizaine d'heures d’un vol
agréable au départ de Lyon, l’avion atterrit de nuit. Dès ma descente de l'appareil, l'humidité
ambiante, qui avoisinait les 84 à 90 %, me prit à la gorge : j’eus la pénible et insoutenable
impression d'étouffer.
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