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physique propice aux personnages inquiétants. Entre les rôles que cet acteur incarnait et ce
               qu’il était réellement dans la vie, le contraste était total. Il me traitait avec une extraordinaire
               douceur, me comblait de cadeaux, de tendresse et d'amour, comme un joyau. Le comédien
               évoquait  avec  moi  les  célébrités  en  compagnie  desquelles  il  avait  travaillé.  Je  posai  pour
               d’innombrables photos, car H.V. s’était mis en tête de me faire tourner dans un film. Ayant
               décroché un petit rôle pour moi, l’acteur devait juste obtenir l'aval de ma mère, mais celle-ci
               ne  voulut  malheureusement  pas  entendre  parler  de  cinéma  pour  son  fils.  Elle  alla  même
               jusqu'à menacer le comédien de le dénoncer pour détournement de mineur. Les menaces de
               ma mère à l’encontre de H.V. lui firent peur. Passablement connu, comme il ne voulait surtout
               pas  se  retrouver  en première page des  journaux à scandales pour une  affaire de mœurs, il
               préféra prendre ses distances avec moi, m’assurant que nous pourrions reprendre notre liaison
               lorsque j’aurais atteint ma majorité. A l’époque, l’âge de la majorité était fixé à 21 ans. Cinq
               ans d’attente, c’était pour moi une éternité !
               Alors que j’avais cru en un avenir possible dans le milieu du cinéma, ce que j’avais tellement
               espéré, motivé par les encouragements de H.V., je voyais une fois de plus mes ambitions et
               toute  mon  attirance  pour  les  domaines  artistiques  brutalement  brisées,  mises  en  miettes  et
               sabotées  par  ma  famille.  Fou  de  rage  contre  ma  mère,  désespéré  par  cet  échec,  ce  rêve  si
               stupidement gâché, je me révoltai et décidai sans réfléchir que, coûte que coûte, avec ou sans
               autorisation, je rejoindrais H.V. où qu'il se trouve. Muni de l'adresse parisienne de l'acteur, je
               pris la tangente quelques jours plus tard, déterminé à rejoindre à tout prix Paris, que je ne
               connaissais pas encore.
               Un soir, à la sortie de Genève, je me postai donc au bord de la route qui indiquait « Mâcon
               Paris » et, sans réfléchir, tendis le pouce afin de faire de l'auto-stop : il me fallait parcourir de
               cette façon 570 km avant d'atteindre mon but. La première voiture qui passa s’arrêta. Vu que
               la nuit était déjà tombée, c'est à peine si j’aperçus le visage du conducteur, sans doute âgé
               d'une trentaine d'années, qui me proposa de m’avancer un peu. J’acceptai, me disant que ce
               serait toujours ça de gagné. Après quelques kilomètres parcourus en silence, le chauffeur me
               demanda si je n’avais pas peur de faire du stop dans la nuit. « Peur de quoi ? » rétorquai-je,
               tandis que  je n'en menais  pas  large,  réalisant  que je me trouvais  en  France depuis  un  bon
               moment et me retrouvais totalement privé de mes repères.  Seuls les phares qui éclairaient la
               route et la faible lumière du tableau de bord me permettaient de distinguer, et encore à peine,
               le visage de l’homme qui m’emmenait dans la nuit vers l’inconnu. Personne ne savait où je
               me trouvais : les dés étaient jetés ! Tendu, je sentis une main s’insinuer sur ma cuisse. Sans
               broncher, je tentai bien de la repousser mais l'homme insista. Un nœud dans la gorge, le cœur
               battant la chamade, je finis par me laisser caresser. L'inconnu se masturba tout en roulant à
               vive allure puis s’arrêta au bord de la route. Sans un regard pour moi, il ouvrit la portière et
               me débarqua sur le bas-côté. Malgré la peur qui me tenaillait le ventre, seul en pleine nuit au
               bord d'une route que je ne connaissais pas, j’aurais alors pu décider de faire marche arrière.
               Mais je résolus de poursuivre mon périple à tout prix. Après quelques longues étapes, j’arrivai
               fourbu au petit matin, porte d'Italie, à Paris.


               Seul

               Arrivé Porte  d’Italie, éreinté, j’entendais  rejoindre un petit  hôtel dont  l'adresse m’avait été
               fournie  par  un  complice  de  mes  équipées  nocturnes  à  Genève.  Encore  fallait-il  y  arriver !
               L’Hôtel Mistral, rue Joseph de Maistre, se trouvait dans le quartier de Montmartre.
               J’ignorais que la France était alors dotée d’une norme homophobe qui réussissait le tour de
               force de considérer l’homosexualité comme une maladie mentale tout en déclarant celui qui
               en était atteint responsable de ses actes. Cette loi inique resta en vigueur jusqu’à l’avènement
               de  François  Mitterrand,  dont  l’une  des  premières  décisions  fut,  conformément  à  ses

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