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que les matons devaient intervenir à tout instant. Pour me protéger, je me recroquevillai dans
               un coin de la cage, la tête entre les genoux, me demandant ce que je faisais là.
               J’étais livré à un système dont j’ignorais le fonctionnement comme la logique. Il me fallut
               survivre  une  nuit  entière  au  dépôt,  imbibé  des  odeurs  putrides  de  pieds,  de  pets  et  de
               transpirations infectes de ces hommes rendus à l’état animal. Au matin, j’appris que j’allais
               passer devant un magistrat. Peu avant midi, je fus embarqué au parquet et présenté à un juge
               des  mineurs.  En  attente  dans  un  couloir,  d'autres  jeunes  gens  patientaient.  Il  s’agissait  de
               délinquants réguliers évadés de maisons de redressement, au crâne rasé, dûment estampillés
               d'un tatouage numérologique au poignet. L’ombre de la maison de correction refaisait surface
               dans ma vie. Le juge qui allait se prononcer sur mon sort passait pour un dur, d'après les dires
               de mes jeunes codétenus qui attendaient eux aussi. Je comparus enfin, après plusieurs heures
               d'attente interminables. Le magistrat qui était en charge des décisions à l'encontre des jeunes
               délinquants  m’informa  que  ma  mère  avait  quarante-huit  heures  pour  venir  me  récupérer ;
               faute de quoi, je serais bon pour un retour en prison.
               Le juge d’instruction Louis Guillot écrit dans Paris qui souffre : « Le lieu de passage où les
               prévenus attendent leur comparution soit devant les juges d’instruction soit sur les bancs de la
               police correctionnelle, se nomme officiellement le dépôt du Parquet, mais il est plus connu
               sous le nom de souricière, ou en argot les « 36 carreaux », à cause des petits châssis de verre
               qui garnissent les portes des cellules. Il était autrefois quai de l’Horloge, au-dessous du niveau
               de la Seine, dans les anciennes cuisines de Saint Louis. Les prisonniers s’y trouvaient fort
               mal, ils souffraient de l’humidité, et s’ils se laissaient aller au sommeil, les souris venaient
               manger leurs vêtements, on dit même que le nom de souricière est venu de là. La nouvelle
               Souricière est installée au sous-sol des bâtiments de la police correctionnelle, cour et rue de la
               Sainte-Chapelle. Le long d’une galerie communiquant par un escalier intérieur avec les salles
               d’audience et les cabinets de juges, on a établi deux étages de cellules, si l’on peut appeler
               ainsi des petites cases puantes, pleines de vermine et semblables à des latrines, où il est à peu
               près impossible de remuer et de respirer.  De forme rectangulaire, la Souricière était divisée
               en trois quartiers : le quartier des hommes, le quartier des femmes, et le quartier des mineurs,
               partie  «  enfantine  »  appropriée  en  126  alvéoles,  où  les  gavroches  passaient  leurs  journées
               pendant  l’instruction  de  leur  procès. Aujourd’hui,  la  Souricière,  placée  sous  le  contrôle  de
               l’administration pénitentiaire, est la zone d’attente des détenus écroués qui sont extraits des
               diverses  maisons  d’arrêt  de  la  région  parisienne  en  vue  de  leur  comparution  devant  une
               juridiction de jugement,  de leur  audition  par un magistrat  instructeur ou de toute audience
               devant  la  chambre  de  l’instruction  ou  le  juge  des  libertés  et  de  la  détention »
               (citation  extraite  de :  Brève  histoire  des  prisons  de  Paris par  Christian  Carlier,  Catherine
               Prade, Marc Renneville, Criminocorpus, 09/06/2013)

               Ma pauvre mère, avertie de la situation dramatique dans laquelle je me trouvais, prit, éplorée,
               le premier train en partance pour Paris avec la ferme intention de me récupérer. Elle n’était
               encore  jamais  sortie  de  son  pays,  aussi  ce  voyage  représentait-il  pour  elle  une  véritable
               expédition au bout du monde. Décomposée, livide, épuisée, elle arriva toutefois à destination
               et, tant bien que mal, au bout de cette énième épreuve que je lui imposais. Quand je la vis
               arriver au palais de justice, je n'en crus pas mes yeux : je me jetai dans ses bras en sanglotant.
               Elle me serra très fort contre elle, heureuse de me retrouver sain et sauf. Nous restâmes tous
               deux enlacés, sans un mot, pleurant à chaudes larmes. Ce fut une étreinte que je n'oublierai
               jamais. Après quelques formalités, on recueillit la signature de ma mère apposée au bas d’une
               décharge, prix de ma liberté qui mettait un terme à cette terrifiante aventure et qui me libérait
               du même coup de la police française.
               Sorti  de  là,  je  conduisis  ma  mère  dans  un  petit  hôtel  près  de  la  gare  Montparnasse.  Le
               lendemain, je ne résistai pas à l'idée de lui faire rencontrer Mohamed, la persuadant de faire sa

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