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Convalescente, j’eus la joie d’accueillir les parents de mon compagnon, venus d’Israël. Ces
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Sabra , à la fois très cultivés et à cheval sur les rites juifs, détonnaient à côté de ma mère et
de mon beau-père. Lors de leur séjour à Genève, il fut même question de mariage.
Au début de nos premiers rapports sexuels, je ne ressentais à la pénétration pas le moindre
plaisir, tout au plus de la douleur. Etait-ce là l’aboutissement de toutes ces années d’espoir, de
recherches, le résultat d’un déploiement d’énergie qui avait conditionné toute mon existence ?
Petit à petit, de manière d’abord timide, voire facétieuse, le désir me désigna le chemin d’une
jouissance plutôt frustrante, presque agaçante car j’en restais aux confins, sans parvenir à
l’embrasement de l’orgasme libérateur que j’espérais tant.
M’étant complètement approprié ma nouvelle identité définitive depuis quelque six mois,
j’accédai enfin un jour, oh miracle, triomphalement, au paradis de la jouissance. Je vécus
alors des nuits d’amour à la fois sauvages, tendres, complètes, instants de complicité et
d’Amour jamais encore autant abouti, qui révélait à Harry une nouvelle forme d’attachement.
Il inaugurait désormais un registre expérimental dans lequel il ne menait plus forcément la
danse. Une apothéose de volupté me propulsa dans un nouveau monde. La porte interdite était
franchie et le triomphe, total.
Chapitre 9
Fin d’une époque
Les spectacles et tournées avaient repris, mais de plus en plus, l’industrie du sexe dictait sa
loi. Les pressions pour m’inciter à me dénuder intégralement, à me présenter en salle comme
une hôtesse à l’affût d’un client prêt à se faire pigeonner, devenaient très insistantes. La
vulgarité prenait ses quartiers ; les petites cabines où l’on se retire pour quelques instants
furtifs avec des messieurs concupiscents faisaient leur apparition. Les belles étaient invitées à
verser discrètement sur la moquette le champagne payé à prix d’or par des clients qui
exigeaient des contreparties en nature. A contrecœur, le plus modérément possible, je sacrifiai
un temps à ces usages qui me répugnaient. Les laquais à gants blancs, les invitations
courtoises appartenaient désormais à un autre âge. L’ambiance des cabarets que j’avais
connus, pas encore tous complètement reconvertis en discothèques, se transformait de façon
flagrante en celle de bordels ordinaires, vulgaires, bas de gamme, totalement dépourvus de
savoir- vivre, de respect comme de panache. La distinction, la magie et la flamboyance de ces
lieux en pleine mutation disparaissait rapidement. Je ressentais clairement la fin d’une
époque. Evoluant dans des milieux, des lieux, des bouges souvent sordides qui désormais me
rebutaient, je n’avais plus le cœur ni la fougue ni la passion que j’avais montrés jusque-là
pour ce métier d’artiste de seconde zone qui, pourtant, m’avait apporté une certaine
reconnaissance et parfois beaucoup de plaisir.
Déjà, je lorgnais vers mon changement d’état civil, consécration juridique d’un parcours du
combattant dont je comptais bien sortir victorieuse.
Alors qu’un jour un patron de cabaret me pressait de me faire plus docile, plus complaisante
avec les clients, je lançai cette répartie que certaines filles considérèrent comme théâtrale :
« Si vous cherchez une artiste, je suis là ; si vous voulez une putain, je ne le serai
certainement pas pour vous mais pour mon propre compte ! » Par conséquent, un an à peine
après mon opération, de façon très abrupte et sans véritable remords, juste un peu de
nostalgie, j’abandonnai définitivement derrière moi six ans de vie artistique trépidante faite de
16 Un Sabra est un Juif né en Israël ou dans le territoire devenu Israël, issu d'une famille établie en ces lieux
depuis plusieurs générations.
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