Page 10 - 6 Dictionnaire Généalogique Nakam_Neat
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Les conditions du décret, étaient draconiennes ; il n’était pas facile de prouver une ascendance jusqu’en 1492, et les simples traditions
          familiales ne furent évidemment pas reconnues comme preuves. Le décret d’accession à la nationalité de 1924 n’entraîna donc pas un
          mouvement de naturalisation de masse. Et les relations stéphanois-séfarades continuèrent, une fois Pulido décédé, leur petit cours
          d’échanges épistolaires entre Juifs et philo-séfarades espagnols, de mission scientifiques de linguistes et de littéraires cherchant les sources
          du Romancero, d’appels sporadiques aux gouvernements pour une action plus affirmée. Les bonnes volontés n’aboutissaient pas à des actes.
          La guerre civile espagnole et la victoire franquiste accrurent le sentiment d’aliénation vis-à-vis de l’Espagne chez les Séfarades du Levant.
          Quant au petit noyau du Nord Marocain, vivant sous domination espagnole directe, il ne laissait pas, pour des raisons évidentes de
          « realpolitik  », transparaître ses sentiments ni ses idées, et s’accommodait comme il pouvait des régimes successifs que connaissait la
          péninsule : royauté, dictature, république, franquisme.
          Cependant, le régime franquiste, allié aux fascismes européens, va avoir une attitude un peu paradoxale vis-à-vis des Juifs durant la seconde
          guerre mondiale. Les essais de sauvetage de Juifs balkaniques par des consuls espagnols, plus ou moins appuyés par leur gouvernement, ont
          été montés en épingle par Franco lui-même, une fois la guerre terminée, mais leur ampleur et leur effectivité ont été appréciés de façon
          diverse par les historiens qui se sont occupés de cette affaire. Dans cette polémique, il peut être profitable d’ajouter des éléments qui ont été
          jusqu’ici peu utilisés, concernant l’attitude de l’Espagne de Franco envers les Juifs qui étaient sous sa domination directe. J’entends par là
          les Juifs du Protectorat Espagnol au Nord du Maroc (y compris Tanger qui fut occupée unilatéralement par les Espagnols de 1940 à 1945),
          mais aussi les nombreux réfugiés juifs qui passèrent les Pyrénées clandestinement pendant la guerre. Plusieurs dizaines de milliers de
          réfugiés juifs, passèrent par l’Espagne. Tous s’y voyaient uniquement en transit, essayant d’atteindre Lisbonne ou l’Afrique du Nord.
          Mais pour nombre d’entre eux, ce passage s’étira à de longs mois, des fois plus d’un an. Les gouvernements franquistes menaçaient
          périodiquement de les chasser vers la frontière française, mais en fait ne le firent jamais, et toutes ces menaces n’étaient destinées qu’à
          soutirer une aide financière des alliés et des différentes organisations juives internationales. On peut dire que tout Juif qui réussit à passer les
          Pyrénées peut être considéré comme sauvé, sachant aujourd’hui l’ampleur des déportations de la France vers les camps d’extermination
          d’Europe de l’Est. Ce sauvetage de Juifs, rendu possible par une politique de non blocage des frontières et de chantage économique envers
          les Alliés, est bien plus important numériquement que celui que permirent les actions des consuls espagnols aux Balkans. Il est vrai que c’est
          un sauvetage passif et qu’aux Balkans nous parlons d’actions parfois dangereuses, et qui nécessitèrent des prises de position plus fermes.
          Cela explique que ce sont ces actions que les Espagnols eux-mêmes montèrent en épingle quand ils voulurent se créer une opinion publique
          favorable à travers le monde. Dans leur zone de Protectorat au Maroc, les Espagnols eurent aussi une politique qu’on pourra appeler passive,
          mais qui gagne à être comparée à la politique du Protectorat Français voisin. La zone espagnole ne connut ni de législation anti-juive ni de
          mesures d’exclusion, comme ce fut le cas en zone française. Les Juifs furent soumis aux mêmes restrictions économiques et politiques que
          le reste des habitants, dues à la guerre et aussi aux conditions du régime, mais sans plus. Tanger put même devenir, sous l’œil des autorités
          espagnoles, un grand centre d’accueil et d’aide pour des réfugiés juifs européens. L’attitude de l’Espagne pendant la deuxième guerre
          mondiale, vis-à-vis des Juifs et en particulier des séfarades, est donc assez positive. Elle aurait pu servir de point de départ idéal pour une
          amplification et une normalisation des rapports avec les séfarades.
          Mais il était trop tard. Le bras exterminateur nazi n’était point passé outre ces communautés, celles de Grèce en particulier ayant été, hélas,
          pratiquement annihilées. Après la guerre, des courants migratoires entamés dès le début du siècle prirent de l’ampleur, vidant carrément des
          pays balkaniques comme la Bulgarie ou la Yougoslavie de ses Juifs, et diminuant de beaucoup les communautés turques. Ces courants
          migratoires passaient outre l’Espagne et amenaient les Juifs vers la France, ou surtout vers les Amériques et le nouvel Etat d’Israël. C’est
          une nouvelle diaspora séfarade qui se créée, une diaspora au second degré, très diversifiée géographiquement, et dont le point de départ et la
          source des nostalgies n’est plus l’Espagne, mais la Méditerranée. En Amérique, en Belgique ou en Israël, ce sont maintenant les
          communautés de Rhodes, Salonique et Smyrne, entre autres, qui seront chantées et pleurées.  Une faible partie des séfarades originaires du
          Maroc seront les seuls à adopter l’Espagne comme nouvelle patrie, comme nouvelle base pour asseoir leurs communautés, bouclant ainsi un
          périple commencé près de 500 ans avant. Avec eux, les communautés de Madrid et de Barcelone passent des centaines de membres aux
          milliers, et de nouvelles se créent en d’autres villes. Grâce à eux l’Espagne est, avec certains pays d’Amérique Latine, l’endroit où une
          culture séfarade hispanique a le plus de chances d’être conservée, et peut-être même de rester vivante, de connaître des développements
          internes normaux. Partout ailleurs la perte de la langue, du judéo-espagnol, a pratiquement fait de cette culture un objet d’étude, une pièce de
          musée. Revenus au sein de l’Espagne, ce sont ces quelques milliers de Juifs qui, par leur simple immigration et leur simple installation
          physique, ont fait le plus pour que, du côté juif, l’expulsion des Juifs d’Espagne soit vue comme une page d’histoire, triste mais passée, et du
          côté espagnol, la culture séfarade ait pu revenir et reprendre une place reconnue au sein de la culture hispanique globale.
          « Sur la scène du monde juif , ils ont été absents durant plus de trois siècles. Un long silence historique, culturel surtout.  D'autant plus
          étonnant que, du Xie siècle à la fin du XVe, ils avaient en fait régné en maîtres sur la vie intellectuelle et religieuse du judaïsme. »  ...

          «Tout au long de leurs exils, les juifs ont développé le sentiment d'une communauté de destin et d'avenir, d'une conscience historique. Ils ont
          eu un même vécu. Les mêmes références historiques, d'identiques nostalgies et des aspirations communes.  La foi juive et la pratique
          religieuse n'ont pas été différentes selon qu'il s'agissait de shettels de l'Europe de l'Est, des juderias andalouses ou des mellâhs marocains.
          Par delà des différences de formulation, par delà le folklore, les quartiers juifs d'Orient et d'Occident ont véhiculé les mêmes valeurs,
          aspirés aux mêmes lendemains, priés pour les mêmes accomplissements et observés les mêmes commandements.  Les façons de vivre étaient
          différentes mais, ici et là, il y avait et il y a aujourd'hui encore le même désir de servir le judaïsme et d'assurer sa permanence. Les
          coutumes divergeaient mais c'est une même harmonie qui a existe dans le domaine religieux. Car l'âme juive est indissolublement une.  Les
          maîtres du judaïsme séfarade, fut-ce aux meilleures heures de l'age d'or espagnol, n'ont pas le moins du monde le sentiment de fonder une
          identité différente. Ils vivent ainsi le judaïsme parce que c'est ainsi qu'ils le ressentent ». Victor Malka - Les juifs sepharades

          Aperçu sur la littérature des Juifs Espagnols.
          Les Juifs d'Espagne, particulièrement ceux des royaumes de Castille et d'Aragon, conquis par les rois chrétiens, remplacèrent bientôt la
          langue arabe qu'ils parlaient, par la langue du pays, c'est-à-dire la langue espagnole ou castillane. Déjà au milieu du treizième siècle elle était
          si générale parmi les Juifs, que non seulement les savants, les médecins et les rabbins s'en servaient. On sait que R. Moseh de Nachman ou
          Nachmanide soutint dans la langue du pays, la défense du judaïsme contre Pablo Christiani, Juif converti, en présence du roi Jacques
          d'Aragon et des grands seigneurs du royaume.  Aussi les Juifs qui ne comprenaient pas l'hébreu en faisaient-ils usage même dans le culte
          divin: dans quelques communautés israélites de Castille et d'Aragon le rôle d'Esther fut lu publiquement en langue espagnole à la fête de
          Purim.  Sous le règne d'Alphonse X, surnommé le Savant, qui fit bien des efforts afin de purifier la langue castillane des éléments arabes et
          romans, quelques Juifs s'essayèrent comme écrivains dans la langue vulgaire.
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