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Les premiers essais littéraires des Juifs espagnols sont des traductions de l'arabe en castillan, qu'ils composèrent par ordre du roi : Judas de
Moseh Cohen, un Juif nommé Abraham ben Yshac Ibn Sid et Semuel ha-Levi traduiront pour lui des ouvrages astronomiques et en
composèrent quelques uns eux-mêmes. Sous le successeur d'Alphonse nous trouvons deux Juifs : Jacob de Las Leyes et Jacob Zaddik de
Ucles, qui composèrent, ou mieux compilèrent, comme Jehuda de Astruc de Barcelone, des œuvres philosophiques en castillan, et Abraham
Ibn Hayint écrivit un traité espagnol sur la préparation de l'or et des teintures appliquées à la peinture dans les livres. Aussi les traités sur le
jeu des échecs de Abraham Ibn Esra et Moseh Aan de Zaragua furent traduits en espagnol. Quelque temps après des Juifs espagnols
rivalisèrent avec les troubadours. Le premier Juif qui composa des vers pleins de grâce en langue castillane fut R. Santob de Carrion, connu
sous le nom de Rabbi.Don Santo, cité par les écrivains espagnols comme un grand troubadour ; il a mis en vers des « Proverbios morales »,
tirés de l’Écriture sainte et du Talmud.
Après la terrible persécution en 1391 bien des Juifs acceptèrent le baptême, entre lesquels un assez grand nombre cultivant la littérature
espagnole. Le poète Juan Alphonso de Baena est l'auteur d'un recueil intitulé « Cancionero », qui contient des poésies de divers auteurs,
entre autres de Pero Ferrus, Juan de Espana yuan de Valladolid, Antonio de Montoro tel « Ropero » ; ils étaient, comme Baena et Rodrigo
Cota, le premier dramaturge espagnol, des Juifs baptisés.
Mais aussi des fidèles adhérents du judaïsme écrivirent en même temps en langue espagnole. D. Chasdai Crescas et Joseph Albo, deux
philosophes bien connus, composèrent des traités polémiques contre le christianisme. D. Mosek Zarzal^ médecin du roi Henri III, fit des vers
à l'occasion de la naissance de Juan II, roi d'Espagne.
D. Méir Aiguadez, médecin et rabbin, composa un traité médical ; Sentuel Esperial et Selomoh Marik composèrent des traités de chirurgie.
Des parties des ouvrages de Galen, de Lanfranc, de Théodoric de Cerviere, furent traduits, ainsi qu'un opuscule « sur la peste » de Jean de
Tornamira, et « las Especias de litargirio », qui fut traduit ou transcrit en espagnol. Tous les ouvrages précités furent écrits en caractères
hébraïques et probablement en Espagne.
La reine Isabelle bannit en 1492 les Juifs de l'Espagne ; D. Manuel, qui employait des astronomes juifs, tels que Joseph Vecinho, son
médecin, et Abraham Zacuto, son astrologue et chroniste, auteur d'ouvrages astrologiques, les chassa bientôt après du Portugal. Les fugitifs
se réfugièrent en Italie, en France, dans les diverses provinces de la Turquie ; les Pays-Bas et l'Angleterre, Hambourg et Vienne accordèrent
plus tard asile à ceux qui, persécutés par l'inquisition, quittèrent les pays intolérants. Partout ils emportèrent avec eux la langue maternelle.
« Llevaron de acà », dit Gonzalo de lUescas, « nuestra lengua y todavia la guardan y usan délia de buena gana ; y es cierto que en las
ciudades de Salonique, Constantinopla, Alesandria y el Cairo y en otras ciudades de contratacion y en Venecia no compran ni venden ni
negocian en otra lengua sino en espanol, Y yo conoci en Venecia hartos Judios de Salonique que hablaban castellano, con ser bien mozos,
tambien 6 mejor que yo.»
Ainsi que la langue, les Juifs espagnols ont conservé les coutumes espagnoles ; les romances, les chansons, les mélodies et les proverbes
nationaux, même le menu des Juifs d'origine espagnole existent encore aujourd'hui en Espagne.
L'expulsion de 1492
L'une des copies du décret de l'Alhambra :
(...) « Nous avons décidé d'ordonner à tous les juifs, hommes et femmes, de
quitter nos royaumes et de ne jamais y retourner. A l'exception de ceux qui
accepteront d'être baptisés, tous les autres devront quitter nos territoires à la
date du 31 juillet 1492 et ne plus rentrer sous peine de mort et de
confiscation de leurs biens ».
Dès la publication du décret, Isaac Abravanel et Abraham Senior font tout leur possible
pour obtenir son abrogation, promettent des milliers de ducats, mais en vain. Comme cela
s'est répété plusieurs fois dans l'histoire, les Juifs sont forcés de vendre leurs biens pour des
sommes dérisoires. Des Marranes, qui s'étaient réfugiés à Grenade pour revenir au
judaïsme, croient pouvoir se fier aux promesses de Torquemada et retourner à Tolède où ils
Expulsion des Juifs d'Espagne (1492), Emilio Sala y sont envoyés au bûcher.
Francés, 1889 : Torquemada offre aux rois Finalement, la date du départ fut repoussée de 2 jours par Ferdinand et Isabelle, au 2 août
catholiques l'édit d'expulsion des Juifs d'Espagne 1492 (9 Ab 5252 selon le calendrier hébraïque, date anniversaire de la destruction des
contre leur signature.
Premier et Second Temples).
Parmi les plus riches, qui avaient le plus à perdre, certains se convertirent, comme Abraham
Senior, grand-rabbin d'Espagne, qui abjura avec toute sa famille tandis qu'Isaac Abravanel prenait
la route de l'exil. Les chercheurs ont du mal à s'accorder sur le nombre exacts de Juifs qui
partirent et ceux qui préférèrent se convertir. Les estimations vont de 50 000 à 300 000 exilés :
Selon Esther Benbassa, le chiffre de 100 000 à 150 000 paraît le plus plausible [94].
La synagogue portugaise d'Amsterdam
La première destination des Juifs d'Espagne est le Portugal qui ouvre alors ses portes. Selon les
archives portugaises, le nombre de Juifs entrés au Portugal (principale destination en 1492) se
monterait à 23 320 personnes [95]. Mais, dès 1496, les souverains espagnols forcent leur voisin
portugais à expulser à son tour les Juifs du Portugal, qui seront connus dans toute l'Europe comme
Juifs portugais, qu'ils viennent du Portugal ou d'Espagne à travers le Portugal. De nombreux
autres choisissent l'Italie mais les plus chanceux sont ceux qui émigrent dans l'empire ottoman où
le sultan Bajazet II ordonne de bien les accueillir et peut déclarer : « Vous appelez Ferdinand un
monarque avisé, lui qui a appauvri son empire et enrichi le mien ! »[89].
Ils sont à l'origine de la très importante communauté de Salonique qui disparut dans la
Shoah. Les Juifs espagnols emportent avec eux leur culture et leur langue. Le ladino et le
judéo-espagnol vont perdurer jusqu'au XXe siècle, principalement en Turquie et en Grèce et Fac-similé du décret de l’Alhambra
aussi au Maroc.