Page 51 - Desastre Toxicomanie
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Le désastre des toxicomanies en France
Chapitre III
Le tabac sans enfumage
Il est logique de traiter du tabac juste après la caféine et le café,
car si un certain nombre de buveurs de café ne sont pas fumeurs
de tabac, la grande majorité des fumeurs de tabac sont buveurs
de café. Le tabac, par sa nicotine, est psychostimulant, comme
l’est la caféine du café ; leur association paraît s’inscrire dans la
recherche d’une plus grande stimulation psychique.
Le tabac est une plante vigoureuse ; nicotiana tabacum, de la
famille botanique des solanacées. Il fut introduit en France vers
1570, par le diplomate Jean Nicot (ambassadeur à Lisbonne).
Cette plante, de la taille d’un arbrisseau (2 mètres), peut pousser
en de nombreuses régions. Pour des raisons essentiellement à
visées fiscales, sa culture est très réglementée. On récolte ses
larges feuilles, qu’on laisse sécher et fermenter. Pour les fumer,
elles sont découpées en filaments. À l’époque où l’on prisait ce
tabac, les feuilles séchées étaient réduites en une poudre très fine,
au moyen d’une râpe spéciale. Il en existait de très belles, en ivoire
sculpté (elles étaient appelées des « grivoises »). La poudre était
conservée dans une tabatière ; une pincée en était déposée dans le
creux qui se forme sur le côté du poignet (« tabatière anatomique »)
quand on met le pouce fléchi en abduction. Ce creux était alors
approché d’une narine ; un reniflement (un sniff ) aspirait cette
poudre. Elle se déposait au fond des fosses nasales (choanes), sur
la membrane humide (la membrane de Schneider) qui les tapisse
(cette membrane, très vascularisée, peut être à l’origine des
saignements de nez - épistaxis). À son contact, la nicotine présente
dans la poudre végétale se dissolvait ; elle franchissait la membrane
des capillaires sanguins ; elle apparaissait dans le sang circulant ;
qui l’entraînait rapidement dans le cerveau. Ces prises nasales
entretenaient une inflammation chronique des narines, suscitant
des mouchages fréquents. Les mouchoirs des priseurs étaient de
grande taille et d’une teinte Isabelle (beige), afin de rendre moins
visible la couleur marron de la morve qu’ils recueillaient.
À l’époque où certains prisaient le tabac d’autres le chiquaient.
À cette fin, les feuilles de tabac étaient rassemblées en des carottes
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