Page 434 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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390 MEDICAMENTINDUISANT OUSTABILISANT DES COUPURES DE L'ADN
Le système anthraquinonique formé par les cycles A, B, et C est responsable de l'inter-
calation. Il est pratiquement parallèle au plan des paires de bases de l'ADN. Le cycle
cyclohexénique D prend place au niveau du petit sillon, sa fonction alcool en 8 contracte
deux liaisons hydrogène avec les azotes N? et N? d'une guanine adjacente. De plus
l'atome d'azote N? de la même guanine forme une liaison hydrogène avec l'atome d'oxy-
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gène O' de la liaison glycosidique. La partie aminosucre est placée dans le petit sillon
sans liaison covalente à l'ADN : l'atome d'azote en N 3 " pourrait être lié par des liaisons
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hydrogène très faibles avec les atomes d'oxygène O° de la cytosine et 0 " du ribose, et
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l'atome N de l'adénine (les distances interatomiques étant respectivement de 3,29, 3,39
et 3,44 ). Deux molécules d'eau participent également à la stabilisation du complexe
au niveau du petit sillon.
À la suite de ces résultats, les travaux réalisés par plusieurs équipes ont permis de
préciser les éléments suivants concernant l'activité de cette famille :
- l'affinité des anthracyclines pour les motifs de trois nucléotides 5'-(A/T)CG et 5'-
(A/T)GC est préférentielle. Ceci a été confirmé par des méthodes de footprinting (CHAI-
RES et al., 1987 et 1990) et par des études théoriques (CHEN et al., 1985). Le classe-
ment d'affinité décroissante suivant est observé: 5'-TCG = 5'-ACG > 5'-TCA > 5'-
ATA> 5'-GCG> 5'-GTA;
- le carbone en 8 de stéréochimie S, porteur de la fonction alcool tertiaire, est néces-
saire à l'activité ;
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le groupement aminé N " de l'aminosucre interagit fortement avec le N? de la guanine,
ceci étant dûà la rigidification entrainée par l'intercalation. Ce contact est déterminant
pour l'affinité dela daunomycine en fonction de la séquence oligonucléotidique choi-
sie. Par exemple, dans une séquence de type d(CGCGCG), la distance interatomique
est de 3,09 A, distance plus petite que la somme des rayons de Van der Waals des
deux groupements aminés, ce qui déstabilise la liaison de la daunomycine avec la
séquence 5'-GCG et expliquerait le peu d'affinité pourcelle-ci. Nous verrons que cette
proximité prend toute sa signification lors de l'observation d'attaques nucléophiles
mettant en jeu le formaldéhydeesant à insérer un groupement méthylénique et
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former des adduits avec I'ADN (cf. 6.2.). De plus, la fonction aminée N° peut porter
une charge positive et donc apporter une contribution électrostatique à l'énergie libre
de liaison. Enfin,
- des études par infrarouge et Raman ont permis de compléter les connaissances sur
les interactions drogue-ADN. Avec la doxorubicine, il s'établit une liaison hydrogène
entre !'hydroxyle en C 14 et un groupement phosphate, expliquant sa plus grande affi-
nité pour l'ADN. Le même type de liaison est observé entre les hydroxyles de la struc-
ture anthraquinonique et les paires de bases voisines à l'intérieur du site d'intercala-
tion.
6.2. FORMATION D'ADDUITS AVEC L'ADN
Les premières études mettant en évidence le phénomène de formation d'adduits entre
les anthracyclines et l'ADN ont été réalisées par A. SKLADAN0WSKI et J. K0PONA en 1994.
Des méthodes appréciant les cinétiques de réparation anormale de l'ADN sur la lignée
cellulaire HeLaS3 ont montré la présence de liens interbrins. Ceci s'observe quelle que
soit la rubicine envisagée et lorsque les systèmes enzymatiques ne sont pas désactivés,
montrant la nécessité d'une transformation métabolique préalable.
De nombreux laboratoires ont alors cherché à préciser ce mécanisme d'action. La pro-
priété des anthracyclines de pouvoir être réduites et de générer des entités réactives pou-
vant s'additionner sur I'ADN, a d'abord été envisagée et donnée responsable de cette