Page 435 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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16. ANTHRACYCLINES UTILISEES EN THÉRAPEUTIQUE          391

             addition (cf. 6.3.). Au début des années 90, d'autres travaux ont permis d'isoler de nou-
             velles anthracyclines destinées, en particulier, à contourner les phénomènes de résistance
             acquise. Ainsi la (cyanomorpholino)doxorubicine (cf. sous-chapitre 2, figure 11)s'est révé-
             lée agir en réalisant des liens interbrins et intrabrins mais surtout en s'affranchissant de
             conditions réductrices préalables (CuuNANE et al., 1993). Le phénomène observé est
             réversible à haute température, le chromophore et la morpholine étant retrouvés dans les
             sous produits isolés. CULLINANE et PHLIPS ont émis l'hypothèse de l'intervention d'un grou-
             pement amino N d'une désoxyguanosine associé à un déplacement du groupement
             nitrile. Un deuxième événement, conduisant à la liaison interbrin finale, met en jeu la cétone
             en 13 et l'azote N? d'une autre désoxyguanosine. Poursuivant ces travaux, cette équipe a
             observé le même phénomène avec la doxorubicine, bien que celle-ci ne possède pas le
             groupement cyanomorpholinique. Pour observer la liaison interbrin, la séquence 5'GpC3'
             est nécessaire et la doxorubicine doit être en présence d'un réducteur (Currs et PHILIPS,
             1995). La participation de deux groupements aminés de deux désoxyguanosines situées
             sur chaque brin est indispensable à la réaction (VA ROSMALEN et al., 1995). Du fait de
             l'instabilité de ces adduits, les types de liaisons n'ont pu être caractérisés.





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             Figure 11 : Structure en deux dimensions du complexe d(CGTACG)-daunorubicine
                      (1 : 2)

               En 1991, l'observation d'un adduit entre daunomycine-formaldéhyde et brin (CG),
             caractérisé par cristallographie (WANG et al., 1991), met en évidence la présence d'un
             pont méthylénique. En 1996, l'équipe de KocH démontre que les conditions réductrices
             ont un rôle de génération de radicaux superoxyde et de peroxyde d'hydrogène qui seront
             à l'origine de la production de formaldéhyde par l'intermédiaire d'une réaction de Fenton
             in situ (cf. 6.3.). Le pont méthylénique peut être créé entre la fonction amine en N?' et la
             fonction amine d'une guanine à proximité, par génération de formaldéhyde (TAATJES et al.,
             1996) (figure 12). De plus, une réaction de Baeyer-Villiger sur le C 13  peut conduire, en
             présence de peroxyde d'hydrogène, à la formation de formaldéhyde, c'est-à-dire dans
             des conditions d'oxydation et non de réduction comme les précédentes hypothèses le
             suggéraient (TArJES et al., 1997) (figure 13). A la suite de ces travaux, ce groupe a carac-
             térisé les adduits entre formaldéhyde, daunorubicine ou doxorubicine qu'ils ont appelés :
             daunoforme et doxoforme (figure 14). Ces adduits sont instables et s'hydrolysent facile-
             ment en dérivés mono-oxazolidiniques de leur composé d'origine (FNck et al,, 1997).
             Ces molécules sont 150 fois plus cytotoxiques sur des lignées de cancer du sein MCF-
             7 et 10.000 fois sur la lignée résistante MCF-7/ADR. Cette cytotoxicité est attribuée à
             une augmentation de la lipophilie et est indépendante de conditions d'oxydoréduction.
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