Page 604 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
P. 604
564 ANTIMÉTABOLITES
Cette incorporation de cladribine forme des sites sensibles et entraîne très vite des cas-
sures de brin d'ADN. Ces cassures de brins d'ADN lymphocytaire ont été observées dès
la 4e heure suivant l'exposition à la cladribine.
Enfin la cladribine s'est révélée efficace aussi sur les cellules lymphocytaires qui sont
quiescentes ou en état de faible prolifération, probablement parce que la cladribine peut
induire une apoptose des cellules quiescentes. Cette apoptose résulterait d'effets
conjugués: rupture de brins d'ADN, inhibition de la synthèse d'ADN et profonde
dépression des taux de NAD'et d'ATP. L'explication proposée réside dans l'observation
que dans les lymphocytes quiescents il y a un cycle continu de coupures de brins d'ADN
suivies de réparations. Cependant, en présence d'une accélération du rythme des rup-
tures de brins sous l'influence de la cladribine, la fourniture de NAD et d'ATP deviendrait
Insuffisante et ce déficit aiderait à l'apoptose. Pour conforter cette hypothèse il a été
montré que l'administration de nicotinamide précurseur de NAD, prévient le déficit de
NAD et protège partiellement les lymphocytes de l'action toxique de la cladribine.
6.2. FLUDARABINE
Le phosphate de fludarabine est rapidement déphosphorylé dans le sang circulant en
2F-Ara-A qui est capté par les cellules cibles.
La molécule de 2F-Ara-A va fonctionner ensuite comme faux substrat et leurrer la
désoxycytidine kinase (dCK) dont l'action phosphorylante forme le 2F-Ara-AMP converti
progressivement en 2F-Ara-ATP, métabolite responsable de l'activité antitumorale. Le
2F-Ara-ATP perturbe le fonctionnement de diverses enzymes indispensables à la
synthèse de l'ADN provoquant (cf. figure 5):
- l'inhibition de la ribonucléotide réductase (RNR), qui représente son activité prépon-
dérante;
son incorporation comme faux substrat dans l'ADN à la place des nucléotides puri-
ques endogènes ;
- l'inhibition de l'ADN polymérase;
-- l'inhibition de l'ADN ligase;
- son incorporation dans l'ARN.
L'inhibition de la RNR réduit la concentration des désoxynucléotides substrats de
T'ADN polymérase tandis que le 2F-Ara-ATP est incorporé comme faux nucléotide dans
la chaîne de l'ADN. Il en résulte une inhibition de l'amorçage de la synthèse de l'ADN, de
l'élongation de chaîne, de la relecture et de la jonction des fragments d'ADN. La présence
du nucléotide 2F-Ara-ATP anormal dans la chaîne altère l'activité exonucléasique de
I'ADN polymérase ce qui se traduit par une incapacité de réplication et de réparation de
l'ADN. De même l'ADN ligase ne peut fonctionner valablement quand l'un des fragments
d'ADN à souder comporte ce faux nucléotide entraînant les mêmes effets délétères.
Enfin, l'incorporation du 2F-Ara-ATP dans l'ARNm entraîne l'interruption prématurée
de la traduction de l'ARN et cet effet se manifeste, semble-t-il, même sur les cellules
quiescentes, provoquant une diminution de la synthèse cellulaire des protéines. Ce
mécanisme participe à l'effet bénéfique du phosphate de fludarabine dans les leucémies
lymphoïdes chroniques où la multiplication des lymphocytes leucémiques est affaiblie.
La fludarabine qui est un faux substrat compétitif de la désoxycytidine kinase entrave
aussi le recyclage des bases et nucléosides préformés telles la guanosine et la
désoxyguanosine.