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DANS L’ÉDUCATION
qui ne disait pas son nom, l’industrie, mais qui méritait qu’on lui
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fît des sacrifices humains .
Les Cinq Fantastiques
Aujourd’hui, plutôt que de forcer la réalité à ressembler à nos
clichés, nous acceptons d’étendre notre intellect à la réalité. En
matière d’éducation, cette nouvelle Renaissance a cinq héros, que
j’appelle pour ma part les « Cinq Fantastiques ».
Le premier, c’est Ken Robinson, qui a clairement souligné l’aspect
industriel de notre école « traditionnelle ».
Le deuxième, c’est Matthew Peterson, ce neuroscientifique dys‑
lexique qui a réussi à enseigner les mathématiques à ses élèves sans
aucun langage, et uniquement avec des jeux vidéo, tout en leur
assurant les meilleurs résultats aux tests nationaux. Or enseigner
avec le jeu, c’est exactement ce que prône l’excellente psychologue
Jane McGonigal, ma troisième Fantastique…
La raison de ce succès est très simple : jouer est la meilleure façon
d’apprendre. Dans une nature qui ne fait pas de cadeau, où chaque
erreur peut être mortelle, tous les mammifères jouent pour apprendre.
Pour eux, jouer c’est plus que sérieux, c’est vital. Les prédateurs comme
les proies jouent pour apprendre et si ce comportement est omni‑
présent chez les mammifères, c’est qu’il a traversé efficacement des
millions d’années de sélection naturelle. Ces aptitudes que la nature,
dans sa sagesse pratique, a sélectionnées sur un temps aussi long, à
l’épreuve d’examens en comparaison desquels nos petits devoirs sur‑
veillés ne sont que de rafraîchissants premiers pas, nous les éliminons
immédiatement dans notre éducation…
Sur le plan neuroscientifique, le débat est clos depuis longtemps :
notre cerveau n’apprend dans la douleur que lorsqu’il ne peut faire
autrement, jouer est la façon naturelle d’apprendre. Pourquoi ?
Parce que le jeu encourage une pratique prolongée et assidue.
Les deux plus hautes formes d’excellence, on l’a vu dans l’écono‑
mie de la connaissance, sont l’excellence amoureuse et l’excellence
amusante. Elles émergent spontanément chez ceux qui se créent des
1. Aux dieux anciens aussi, les sacrifices humains se justifiaient par le bien commun :
on tuait quelques personnes pour assurer le bien‑ être et la prospérité du plus grand
nombre. Il n’y avait pas de sacrifice humain gratuit.
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