Page 40 - Le grimoire de Catherine
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DES NOUVELLES DE LA CLAIRIERE


               L’objet gisait au milieu du sentier, parfaitement insolite dans ce cadre bucolique dans
              lequel j’ai l’habitude, chaque matin, d’établir l’état de ma clairière.

              Tout y est différent, la lune permet, en catimini, tant  de mutations, de créations ! Le tas
              de feuilles, sous le grand chêne, décline  régulièrement tous les  nuances du mordoré.
              Les herbes, dites folles, essaient de reprendre leurs pauses habituelles, il reste encore,
              dans leurs chevelures, la trace du vent de la dernière nuit.

              Les  oiseaux,  d’habitude  si  prolixes,    chuchotent  que  l’hiver  arrive,  qu’il  va  falloir  se
              répartir  les  cachettes  douillettes.  C’est  aussi    le  moment  de  découvrir  les  nouveaux
              champignons, nés des noces de la terre et de la rosée.

              Je me présente afin que vous  compreniez mieux  ma surprise en découvrant « l’objet »
              Je  suis  l’Ecureuil  des  lieux,  ce  petit  éclair  roux  qui  traverse  le  champ  ou  anime  un
              instant le tronc d’un arbre. Vous m’apercevrez de temps à autre, si vous êtes silencieux
              et observateur.
              Donc,    ce  jour  –là,  je  descendais    de  mon  arbre  afin  de  parfaire  mes  provisions
              indispensables  à  ma  survie  pendant    la  mauvaise  saison.  Quel  ne  fut  pas  mon
              étonnement  de  découvrir,  qu’au  beau  milieu  du  sentier  jouxtant    mon  nid,  gisait  une
              forme impressionnante !
               Pour être  tout à fait honnête, je n’ai d’abord vu qu’une grande aile étincelante dans les
              rayons du soleil naissant. En effet, animal  bien élevé, je sais garder mes distances face
              à l’étrange ! De plus, je dois vous avouer  que j’ai eu un petit peu peur.
              Et si j’avais trouvé un trésor ! La grand-mère  des écureuils connaît tant d’histoires qui
              se  terminent comme cela. Je la soupçonne d’être influencée par Monsieur Perrault ou
              Monsieur de La Fontaine. Aussi je pris mon courage à quatre pattes et me rapprochai
              de » l’objet » Un faisan, un magnifique faisan tout  en or !
              Il  gisait  là,  comme  foudroyé,  tel  Icare    après  avoir    voulu  s’approcher  du  soleil.
              Impossible  d’entrer  en  communication.  Oeil  et  bec  clos,  cœur  sans  mouvement  et
              surtout sans odeur !
              Ici on se reconnaît à l’odeur.  Chacun  sait à qui il a affaire, s’il s’agit d’un ami ou d’un
              ennemi et même sans le voir, peut le situer. Imaginez mon désarroi face à cet » objet »
              qui  ne  permettait  pas  d’utiliser  les  moyens  d’identification  en  vigueur  dans    notre
              clairière.
              Emoustillé, je décidai de mener mon enquête afin d’élucider cette énigme et de pouvoir
              ainsi  nous rassurer.
              J’avalai  quelques noisettes, établis mon stratagème et décidai d’interviewer quelques
              oiseaux  célèbres  chez  Lewis  Carroll,  Picasso    ainsi  que    quelques  autres  plus
              anonymes.
              Notre grand–mère Ecureuil cache, sous son oreiller de feuilles, un grimoire, répertoire
              de  tous les animaux fabuleux, particulièrement  riche  en détails incontournables. Tous
              les  inventeurs  d’histoires  à  dormir  debout,  l’ensemble    des  créateurs    de  mondes
              meilleurs  y  ont  déposé  le  secret  de  leurs  inventions.  On  y  trouve  tout  ce  que  l’on
              cherche.  A  chaque  fois    que  quelqu’un    ouvre  cet  album,    il  l’enrichit,  laissant
              l’empreinte de  ses  propres rêves.
              C’est là que je découvris la carte géographique du pays d’Alice au Pays des Merveilles.
              Là-bas  y vit, sur ses terres anglicanes, le Dodo sorti de l’imaginaire de Monsieur Lewis
              Carroll.  Je décidai dés lors de juguler ma peur afin d’avancer  dans l’identification de ce


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