Page 15 - Des ailes pour le Brésil
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Mais cet apprentissage s’était fait trop sommairement et une fois en
                  France, je me suis toujours senti un peu à part, tant à l’école que

                  dans la vie de tous les jours.
                      Pendant, longtemps, j’ai eu également à souffrir de la particule

                  de  mon  nom  et  des  sobriquets  qui  l’accompagnaient :  « Burro »
                  baudet en espagnol et ensuite à l’armée, « sur burette homme de

                  base ». Des années plus tard, l’expérience de la vie m’a appris qu’il
                  ne faut jamais renier son nom.
                      À notre arrivée en France, nous ne vivions pas dans l'opulence,

                  les tickets et cartes de rationnement, carte de pain étaient toujours

                  d’actualité et ne disparurent qu’en 1949.
                      C’est  à  un  persévérant  et  patient  précepteur  de  l’Yonne  chez
                  lequel  j'avais  été  envoyé  qu’est  revenue  la  délicate  tâche  de

                  m’apprendre dans les règles, le français et le latin.
                   Je  découvrais  une  nouvelle  résidence  et  vivais  un  nouvel

                  éloignement de ma famille.
                  Mon  éducateur  commença  à  façonner  mon  caractère,  non  sans

                  peine.
                  Ce retraité s’appelait monsieur Chevalier, il avait été professeur de

                  l’école au village de Flogny.
                   Nous habitions avec sa femme, dans une modeste petite maison au

                  centre du village de la Chapelle-Vieille-Forêt.
                      Lieu où il n’y a rien, si ce n’est qu’une veille l’église, une mairie

                  avec  son  drapeau  tricolore,  une  école  primaire  aux  murs  gris,
                  quelques maisons et des fermes quand je passais devant sentaient le
                  purin. Paris n’était pas loin à deux cents kilomètres !

                      Nous allions pêcher le goujon « tâter le goujon » sur les bords de
                  l’Armançon  ou  une  fabrique  de  fromages  de  Mr  Renard  (nom

                  inoubliable), inondés l’air de ses effluves pestilentiels.
                      Mon  obstiné  et  sévère  maître  m’apprit  les  rudiments

                  indispensables de la vie à la campagne, comme couper du bois à la
                  hache, scier, m’occuper des lapins, ranger ma chambre, faire mon

                  lit et bien d’autres choses encore. Il avait coutume de me répéter en
                  parlant de sa bicyclette que « le matériel d'avant-guerre était meilleur

                  que celui de maintenant » ! C’était sa façon de montrer fièrement
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