Page 17 - Des ailes pour le Brésil
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un très bon vin blanc que les prêtres ont coutume de se servir avant
                  et pendant le sacrement de la messe.

                  Ayant quelquefois servi la messe cela m’avait impressionné de voir
                  la quantité de liquide qu’ils ingurgitaient.

                       Mes  camarades  s’évertuaient  sournoisement  à  me  faire  des
                  croche-pieds dans la cour de récréation. De nombreuses bagarres

                  étayèrent mon séjour avec les « péquenauds » du coin. C’est dans
                  cette ennuyeuse école communale que pour la première fois, mes
                  oreilles sifflèrent aux mots « virés » et « expulsés ».

                       C’était la justice campagnarde ! Je préférais alors me réfugier

                  dans les souvenirs et préceptes des westerns auxquels j’avais assisté
                  pendant mon séjour au Chili et en Argentine avec les chevauchées
                  épiques des cow-boys et des Indiens dans les immenses et lointaines

                  plaines.
                  La vision de la violence comme celle de la bonté, mais surtout de

                  l’injustice,  provoquait  chez  moi  une  perpétuelle  anxiété  et
                  interrogation incontrôlables.

                      Une période de  mon enfance a été bercée par les images du
                  gentil  cow-boy  et  du  méchant  Indien  qui  se  combattaient

                  cruellement.  Les  films  de  guerre  et  les  effluents  de  sang  qui
                  révélaient  la  souffrance  humaine  exacerbaient  ma  sensibilité  que

                  d'ailleurs, je porte toujours en moi.
                       Tout particulièrement quand de ma mémoire surgissent certains

                  évènements de mon enfance, je me rends compte de comment je
                  me perdais dans l'incompréhension de la nature humaine.
                      J'étais à la recherche d'une certaine équité que je ne trouvais pas

                  ce qui me rendait amer.
                      Mon amie Maryse fut la première victime à faire les frais de mon

                  comportement. Je l’avais attachée à un arbre, totem improvisé, au
                  milieu de la petite place du nom des « tilleuls », en face de la maison.

                  La  pauvre  petite  était  terrifiée  par  mes  danses  et  criailleries
                  forcenées.

                   Devant  ce  spectacle  insolite  s’était  formé  un  attroupement  de
                  campagnards restés pantois assistant, apathiques, à ce simulacre de

                  mise à mort.
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