Page 53 - Des ailes pour le Brésil
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Après mon service militaire, je réintégrais Air France avec son
salaire de misère.
Une sœur de ma mère, ma tante Germaine, véritable grenouille
de bénitier, qui, bien que peu complaisante de nature, avait consenti
avec beaucoup de condescendances à me laisser une chambre de
bonne au sixième étage dans son immeuble.
Son immense appartement de 400 m² où elle habitait était inoccupé,
avec de nombreuses chambres libres - ses cinq enfants mariés ayant
quitté le nid familial depuis longtemps.
Elle avait un certain esprit de famille probablement.
Cette pièce, telle un mouchoir de poche, ne mesurait pas plus de
huit mètres carrés, avec un WC commun sur le palier au fond du
couloir.
En guise de douche pour se laver, il fallait aller chercher son seau
d’eau froide.
Cet espace est généralement prévu pour la domesticité, et cela ne
m’a nullement gêné, mais l’idée de savoir que son appartement était
vide m’était insupportable !
C’était sa charité chrétienne, sa solidarité !
J’en étais arrivé à regretter le « confort » de l’armée.
Enfin, au bout d’un moment, cela devient supportable, mais il y a
mieux.
Habitué aux impondérables de la vie, j’y ai séjourné de nombreux
mois, sans en parler à personne.
Les matins d’hiver, quand je me réveillais, c’était cruel, j’avais froid,
les vitres étaient blanchies par des couches de glace, en dépit d’un
antique petit radiateur électrique et de nombreuses couvertures.
Heureusement, pendant mon service militaire à Dakar, je m’étais lié
d’amitié avec Bertrand, qui m’aida à surmonter mes difficultés
passagères.
Quand il faisait trop froid, je couchais chez ses parents à
Neuilly. Bertrand et moi passions des week-ends entiers dans son
cabriolet DB Panhard, à faire la reconnaissance de routes pour ses
rallyes automobiles.