Page 85 - Des ailes pour le Brésil
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« Je suis arrivé pour la première fois à Beijing, que l’on appelait
encore Pékin, à la nuit tombée. Par « manque de chambre », j’ai été
logé dans un hôtel fonctionnel, tout béton et au confort spartiate,
réservé aux accompagnateurs des pays de l’Est.
Les petits-déjeuners se prenaient à une table commune et aux
aurores. J’ai risqué, quand il faisait à peine jours, une sortie pour voir
Pékin, mais d’interminables avenues se perdaient dans la brume.
Des soldats vêtus en vert, avec leur fusil en bandoulière,
baïonnette au canon, gardaient l’hôtel.
Leurs uniformes avaient l’air trop grands pour eux.
De nombreux cyclistes se croisaient en klaxonnant, il n’y avait
aucune voiture, mais seulement des trolleybus bleu et blanc à bout
de souffle, ou des cars bruyants, à l’échappement épais. Nous, les
accompagnateurs, nous avons ensuite été conduits aux différents
hôtels où se trouvaient nos clients. Il m’a fallu deux jours de palabres
acharnés, par le biais de deux interprètes, une Française et un
Chinois, pour que j’intègre le bon hôtel de Beijing. Je n’oublierai
jamais ces premières impressions. J’ai ensuite fait plusieurs voyages
à travers la Chine, mais ce sont ces premiers souvenirs qui dominent.
Après plus de deux mois passés à Pékin, tu m’as fait le coup du
Péninsula, où à l’arrivée, une impérieuse Rolls-RoyceSilver ghost
m’attendait à des années-lumière de la Chine, à peine sortie de la
révolution culturelle ! »
Il est vrai que j’exulte à faire ce genre de surprise, à pratiquer cette
forme de complaisance, j’ai toujours aimé surprendre en
recherchant la qualité pour mes amis et clients.
Certains voyageurs de cette époque, lorsqu’on leur demandait où
ils ont voyagé pendant leurs vacances, vous répondiez d’une façon
prétentieuse : « Cette année, j’ai connu la Chine ! ».