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                     C /   UNE PERTE DE SOUVERAINETÉ

                           INDUSTRIELLE ORGANISÉE





                     1 / COMMENT LA FRANCE A ABANDONNÉ LA PLANIFICATION INDUSTRIELLE

                     Jusque dans les années 70, il existait un système de planification à la française : il
                     s’agissait d’une planification indicative qui orientait les investissements publics et
                     privés au sein d’un projet collectif. Cette planification était orchestrée par le Commis-
                     sariat général au Plan. Il avait pour mission de faire l’intermédiaire avec les représentants
                     du patronat, les syndicats et l’État pour réfléchir au futur et élaborer un projet commun.
                     L’objectif était de limiter l’incertitude afin que les investisseurs privés sachent ce que
                     voulait faire l’État et ainsi prendre moins de risques. L’État disposait d’un bras armé
                     avec la Caisse des dépôts et consignations. La plupart des banques étaient publiques
                     et pouvaient donc financer ces investissements définis par les objectifs généraux du Plan.
                     Ce système a permis à la France de se redresser de manière spectaculaire et efficace
                     après la Seconde Guerre mondiale. Il y aurait évidemment des critiques à porter à la
                     planification  de  l’époque,  alors  productiviste,  pilotée  essentiellement  de  manière
                     technocratique et par le haut, malgré les consultations des corps intermédiaires et du
                     vote des parlementaires. La planification n’a pas totalement disparu : elle existe encore
                     dans plusieurs domaines. Nous planifions encore l’usage du sol. D’autres planifica-
                     tions, plus molles juridiquement, existent : l’habitat, le transport… Mais d’un point de
                     vue industriel, elle a été éradiquée .


                                Alcatel a pratiquement disparu : son patron
                             voulait une France sans usines !

                             Gabriel Colletis, Économiste

                     Voilà une des racines du mal contemporain : l’État ne cherche plus à intervenir, à
                     organiser, à créer des cadres d’action. Lorsque des comités de filière sont créés, ils le sont
                     autour des grands groupes : l’État ne considère plus que le monopole de l’expertise
                     légitime lui revient. Contrairement à l’époque où il disposait d’un Commissariat au
                     Plan, l’État s’est privé de l’expertise dont il disposait. Il n’organise plus la production
                     sur le long terme et n’est donc plus garant de l’intérêt général. Il a, de fait, supprimé
                     tous les outils d’anticipation dont il disposait. France Stratégie en est un des derniers
                     vestiges, bien insuffisant par rapport aux besoins qui sont les nôtres. Il n’intervient
                     plus sur la production, mais uniquement sur l’environnement industriel : pour faire
                     baisser le coût du travail, les gouvernements mettent en place des outils comme le
                     CICE.  Pour  favoriser  la  recherche,  les  gouvernants  emploient  le  crédit  d’impôt  re-
                     cherche. Mais  ces  politiques  publiques ne  se  soucient pas  de savoir  si  les  brevets
                     aboutiront à des productions. L’État ne cherche qu’à alléger la pression fiscale sur les
                     entreprises. Il n’organise donc plus, pas plus qu’il ne planifie : il se contente « d’alléger »,
                     de « simplifier ».

                     Les grands commis de l’État ont développé une fascination sur les hautes technologies,
                     les technologies de pointe, les start-ups… Mais que représentent les hautes technologies
                     dans l’industrie allemande : 15% seulement de son industrie ! L’État français a oublié que
                     l’essentiel résidait dans la moyenne technologique et les secteurs à forte compétence
                     de leurs salariés, à haute valeur ajoutée. Il a privilégié la conception au lieu de la pro-
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