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PARTIE I
3 / QUAND L’ÉTAT ENCOURAGE LA FINANCIARISATION DES GRANDS GROUPES
ET LES DÉLOCALISATIONS
L’État français a encouragé la financiarisation
des groupes français.
Gabriel Colletis, Économiste
C’est un fait majeur qui a précipité la désindustrialisation : la financiarisation des
groupes français. Pendant très longtemps, les groupes français projettent d’investir.
La question est alors celle du financement : soit en obtenant des subventions de l’État,
soit en empruntant auprès des banques, soit en investissant leurs profits. La financia-
risation des projets a complètement inversé cette logique : les projets sont conduits
en fonction d’une rentabilité attendue par les actionnaires et l’appareil productif
s’adapte. C’est ce qui fait que dans cette logique, le travail est alors considéré comme
un coût. Qu’ont fait les responsables politiques durant cette mutation ? Ils l’ont ac-
compagnée. La dérégulation des marchés financiers n’est pas tombée du ciel : elle a
été encouragée par l’État . Et pendant ce temps, dans les années 60, les champions
industriels nationaux sont devenus des groupes mondialisés. L’État, ses responsables,
ses organisateurs, ont pensé l’industrie française comme une somme d’entreprises
individuelles, mêlées les unes aux autres. Par conséquent, ils ont conçu une politique
industrielle binaire, basée sur l’idée suivante : soutenir l’industrie, c’est les grands
groupes industriels, quoi qu’ils fassent.
Nos États donnent pour consigne
aux administrations de ne surtout pas aller
à l’encontre des gros acteurs économiques
et de les aider du mieux possible !
Laure Després, Professeur émérite d’économie à l’université de Nantes
L’État soutient aveuglément les grands groupes . Il leur laisse aussi une liberté déme-
surée, à tel point qu’on ne peut pas vraiment parler d’une économie de marché, mais
plutôt d’une économie de gros acteurs. Les gouvernements fonctionnent avec une
idéologie qui consiste à croire que les macro-acteurs économiques, les très grosses
entreprises, sont les seuls acteurs efficaces, et qu’il faut favoriser uniquement ces
gros acteurs.
C’est ainsi le sort qu’a connu l’usine Famar, installée à Saint-Genis-Laval, seul site
habilité par l’Agence nationale de la sécurité du médicament à produire de la Nivaquine
à base de chloroquine, en France. Malgré cette production hautement stratégique, elle est
abandonnée par le fonds d’investissement KKR. Elle est actuellement sous adminis-
tration judiciaire. Sans repreneur, elle risque la fermeture et l’arrêt de sa production. C’est
pourquoi la France insoumise a récemment demandé sa nationalisation, au même
titre que celle de Luxfer.
Et il y a pire ! Le 4 septembre 2019, les salariés de l’entreprise Peters Surgical ont appris
l’existence d’un Plan de sauvegarde de l’emploi de 60 d’entre eux. C’est une nouvelle
doublement étonnante. D’une part, car il s’agit d’une entreprise stratégique : matériel