Page 47 - 1. COMMISSION COVID-G2.indd
P. 47

/////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////




                                                                                                                     47


                                                                                                                        PARTIE I



                     3 /  QUAND L’ÉTAT ENCOURAGE LA FINANCIARISATION DES GRANDS GROUPES
                        ET LES DÉLOCALISATIONS

                                L’État français a encouragé la financiarisation

                             des groupes français.

                             Gabriel Colletis, Économiste


                     C’est un fait majeur qui a précipité la désindustrialisation : la financiarisation des
                     groupes français. Pendant très longtemps, les groupes français projettent d’investir.
                     La question est alors celle du financement : soit en obtenant des subventions de l’État,
                     soit en empruntant auprès des banques, soit en investissant leurs profits. La financia-
                     risation des projets a complètement inversé cette logique : les projets sont conduits
                     en fonction  d’une rentabilité  attendue  par les actionnaires et l’appareil  productif
                     s’adapte. C’est ce qui fait que dans cette logique, le travail est alors considéré comme
                     un coût. Qu’ont fait les responsables politiques durant cette mutation ? Ils l’ont ac-
                     compagnée. La dérégulation des marchés financiers n’est pas tombée du ciel : elle a
                     été encouragée par l’État . Et pendant ce temps, dans les années 60, les champions
                     industriels nationaux sont devenus des groupes mondialisés. L’État, ses responsables,
                     ses organisateurs, ont pensé l’industrie française comme une somme d’entreprises
                     individuelles, mêlées les unes aux autres. Par conséquent, ils ont conçu une politique
                     industrielle  binaire,  basée  sur l’idée  suivante : soutenir  l’industrie, c’est  les  grands
                     groupes industriels, quoi qu’ils fassent.


                                Nos États donnent pour consigne
                             aux administrations de ne surtout pas aller

                             à l’encontre des gros acteurs économiques
                             et de les aider du mieux possible !

                             Laure Després, Professeur émérite d’économie à l’université de Nantes


                     L’État soutient aveuglément les grands groupes . Il leur laisse aussi une liberté déme-
                     surée, à tel point qu’on ne peut pas vraiment parler d’une économie de marché, mais
                     plutôt d’une économie de gros acteurs. Les gouvernements fonctionnent avec une
                     idéologie qui consiste à croire que les macro-acteurs économiques, les très grosses
                     entreprises,  sont  les  seuls  acteurs  efficaces,  et  qu’il faut favoriser uniquement  ces
                     gros acteurs.

                     C’est ainsi le sort qu’a connu l’usine Famar, installée à Saint-Genis-Laval, seul site
                     habilité par l’Agence nationale de la sécurité du médicament à produire de la Nivaquine
                     à base de chloroquine, en France. Malgré cette production hautement stratégique, elle est
                     abandonnée par le fonds d’investissement KKR. Elle est actuellement sous adminis-
                     tration judiciaire. Sans repreneur, elle risque la fermeture et l’arrêt de sa production. C’est
                     pourquoi la France insoumise a récemment demandé sa nationalisation, au même
                     titre que celle de Luxfer.

                     Et il y a pire ! Le 4 septembre 2019, les salariés de l’entreprise Peters Surgical ont appris
                     l’existence d’un Plan de sauvegarde de l’emploi de 60 d’entre eux. C’est une nouvelle
                     doublement étonnante. D’une part, car il s’agit d’une entreprise stratégique : matériel
   42   43   44   45   46   47   48   49   50   51   52