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PARTIE I
2 / SAUVER LES BANQUES À TOUT PRIX :
LE DÉSASTRE DE L’OBSESSION AUSTÉRITAIRE
À la suite de la crise des subprimes, les États membres de l’Union se sont considéra-
blement endettés pour venir au secours des banques. Face aux risques de défaut des
États, l’Union européenne adopta un cadre législatif encore plus contraignant que le
Pacte de Stabilité et de Croissance :
· le « Six Pack », un ensemble de six textes, contraint les États à déterminer une
trajectoire de réduction des dépenses publiques, sous peine de se voir imposer de
fortes amendes ;
· le semestre européen fournit un dispositif de contrôle des politiques écono-
miques : depuis lors, la Commission Européenne formule chaque année des re-
commandations aux États membres et en surveille la mise en œuvre ;
· le « Two Pack », introduit en 2013, oblige les États Membres à soumettre leur projet
de budget pour l’année suivante à la Commission Européenne qui peut en deman-
der la révision ;
· enfin, le Pacte budgétaire européen impose aux États membres l’obligation de la
règle d’or, c’est à dire une limitation des déficits structurels à 0,5% du PIB pour les
pays ayant une dette au-dessus de 60% de leur PIB et à 1% pour les autres.
Par l’ensemble de ces dispositions, l’austérité fut gravée dans le marbre pour les
peuples du continent. Elle porta sur deux domaines prioritaires : la casse des services
publics, la réduction des dépenses en ce domaine devant servir à rembourser la dette ;
le démantèlement des acquis sociaux et une pression à la baisse sur les salaires en
vue de réduire le déficit de la balance commerciale. Évidemment, ces mesures n’ont
eu aucun des effets macro-économiques escomptés.
Les services publics, les salaires,
tout ce qui permet la satisfaction
des besoins de la population sont
considérés comme des coûts qu’il faut
comprimer, d’où la contraction
du service public de la santé.
Laure Després, Professeur émérite d’économie à l’université de Nantes
En ciblant directement les politiques de santé, elles ont façonné une situation sociale
particulièrement fragile face à l’émergence du Covid-19. Entre 2011 et 2018, la Com-
mission européenne a recommandé 63 fois aux États membres « de privatiser certains
pans du secteur de la santé ou de réduire les dépenses en matière de santé . ». Les
conséquences furent très concrètes : si le nombre de lits a diminué dans l’ensemble
de l’Union européenne entre 2006 et 2017, il a particulièrement diminué dans les États
du sud : ainsi il est passé en Italie de 399 à 318 lits pour 100 000 habitants au cours de
la période, contre 830 à 800 en Allemagne. De plus, ces politiques d’austérité ont d’autres
effet pervers. La pression par le bas sur les salaires engendre la précarité. Or, face aux
difficultés économiques, les dépenses sanitaires deviennent bien souvent des variables
d’ajustement pour les ménages à faibles revenus, rendant ainsi une partie croissante
de la population plus fragile face aux maladies. Les inégalités économiques et sociales
accrues par l’obsession austéritaire et la logique de profit ont préparé le terrain au
chaos. La responsabilité de l’Union européenne ne peut donc pas être écartée . Elle