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        PARTIE I



                           E /  LE LIBÉRALISME CONTRE L’HUMAIN





                           1 / J’AI MAL À MON ÉCOLE…

                           Sous ce quinquennat, réforme du bac et des lycées, école obligatoire à 3 ans, assèche-
                           ment des financements de la recherche et de l’enseignement supérieur se sont conju-
                           gués pour fragiliser le statut des personnels et plonger dans l’incertitude et l’an-
                           goisse un nombre croissant d’élèves .

                           L’Éducation nationale a longtemps été l’un des fleurons du modèle social français,
                           pourtant mis à mal des décennies durant sous les coups de butoirs des politiques
                           néolibérales des précédents gouvernements. Ce qui aurait pu être un formidable creuset
                           pour la lutte contre les inégalités, vecteur d’émancipation et de cohésion nationale,
                           n’a malheureusement trop souvent été que l’instrument de la mise en place d’une « école
                           à deux vitesses », qui méprise et maltraite son personnel et reconduit de terribles inégalités
                           socioculturelles. Une école fermée par jour depuis dix ans . Des milliers de journées
                           de classe perdues, faute de professeurs remplaçants en nombre suffisant. Un budget qui
                           n’est pas en adéquation avec les besoins . Le pouvoir d’achat des enseignants, largement
                           en dessous de la moyenne de l’OCDE, n’a cessé de décroitre, une perte de près de 20 %
                           entre 1981 et 2004, et le gel du point d’indice n’a pas été de nature à rassurer le corps
                           enseignant. Le manque de culture numérique des élèves, malgré des cours de techno-
                           logie dispensés dès le collège, a été cruellement mis en exergue dans le cadre de la
                           « continuité pédagogique ». La réforme du bac a encore accru l’angoisse de nos lycéens
                           face à Parcoursup, dont la mise en chantier a généré de nombreux dysfonctionnements
                           informatiques et pratiques. L’absence en nombre suffisant de médecins ou de psychologues
                           scolaires rend difficile l’accompagnement pourtant nécessaire et spécifique de chaque
                           élève lors d’une crise majeure qui bouleverse notre quotidien. « On n’a parfois qu’une
                           infirmière scolaire pour mille élèves ! » souligne Rachel Jacquier, directrice d’établissement
                           et membre du Snuipp-FSU 44. Lors de nos auditions auprès des acteurs de la communauté
                           éducative, enseignants du primaire et du secondaire, enseignants en SEGPA ou comme
                           AESH, directeur d’établissement ou ATSEM, tous concordent pour souligner la fragilité de
                           notre service public, la pesanteur de son fonctionnement hiérarchique et bureaucratique
                           qui ont considérablement amenuisé la capacité de résilience de notre École face à la
                           gestion du Covid-19.

                           Du côté de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), depuis la loi relative aux
                           libertés et responsabilités des universités de 2007, les universités sont autonomes dans
                           la gestion des personnels et des bâtiments. Les conséquences sont graves : inégalités
                           entre établissements, désengagement financier de l’État, recul des droits étudiants,
                           incapacité de lancer des politiques nationales volontaristes, manque de moyens alloués
                           à la recherche, etc . 60% des étudiants échoue en L1 (redoublement ou réorientation
                           sans équivalence), et seulement 27,6 % des étudiants inscrits à l’université obtiennent
                           une licence en trois ans et près de 40 % après quatre ans. Aujourd’hui la France est
                           toujours en dessous de l’OCDE en termes de taux de diplômés du supérieur : il y a tou-
                           jours 50% d’une classe d’âge qui n’accède pas à l’Université et seuls 38% d’une généra-
                           tion accèdent à un diplôme du supérieur . Ces inégalités s’expliquent notamment par
                           le fait que les étudiants ne bénéficient pas d’une protection sociale adapté à leur sta-
                           tut . En 2017, l’UNEF estimait que 20% des étudiants vivaient en dessous du seuil de
                           pauvreté . 50% d’entre eux sont contraints de travailler pour financer leurs études et
                           40% d’entre eux échouent au moins une année. En 2013, la loi relative à l’ESR redéfinit
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