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                     ZOOM SUR HONEYWELL
                     L’ENTREPRISE DE PRODUCTION DE MASQUES, À PLAINTEL                                                  PARTIE I


                     L’usine  de production  de masques  de   neywell a préféré fermer l’usine en 2018
                     Plaintel, près de Saint-Brieuc, produisait   après avoir licencié les 38 derniers salariés. »
                     des « Équipements de Protection Indivi-  Jean-Jacques Fuan, directeur de l’usine
                     duels » (EPI), dont des masques respira-  Honeywell de Plaintel (de 1991 à 2003)
                     toires. Des événements majeurs comme
                     l’attentat de 2001 à New York ou les inci-  À part les quelques machines semi-auto-
                     dents dans le sud-est Asiatique ont pro-  matiques qui ont été transférées sur leur
                     voqué un accroissement des commandes   site en Tunisie, les lignes automatiques
                     sur  le  site,  qui  produisait  des  masques   qui représentaient plusieurs millions d’in-
                     distribués  partout  dans  le  monde. L’épi-  vestissement (une ligne automatique de
                     démie H1N1 a donné lieu à des com-    fabrication de masques coûte de 4 à 5
                     mandes massives, étant donné les mesures   millions d’euros) étaient restées à Plaintel.
                     prises  par le  gouvernement  pour que   « Donc ces machines-là, pour que ça ne
                     soient envoyés des « kits de sécurité »   tombe pas dans les mains de la concur-
                     (masques inclus) dans toutes les communes   rence, ils ont fait appel à un ferrailleur, en
                     de France. Pour faire face à cette explosion   demandant au ferrailleur non pas de juste
                     de la demande, il a fallu agrandir l’usine,   les mettre à la casse, mais de les tronçon-
                     acquérir des machines supplémentaires   ner pour que ça ne serve pas à d’autres.
                     avec des aides financières de l’État, et   Et ça, j’avais trouvé ça totalement scanda-
                     sous-traiter la fabrication de masques en   leux, pour ne pas dire plus  », souligne
                     Chine.                                Jean-Jacques  Fuan.  Ces mêmes ma-
                                                           chines qui auraient pu être réactivées
                     Mais avec les changements ministériels,   pour affronter l’épidémie de Covid-19
                     les commandes de l’état se sont arrêtées   ont  donc été  sciemment  détruites  par
                     quasiment du jour au lendemain. À ce   Honeywell !
                     moment, le groupe Sperian n’a pas voulu
                     rapatrier la fabrication de masques en   La question du rôle de l’Etat se pose. Ou
                     Chine à Plaintel, alors que l’activité serait   plutôt de son inaction. «  Certainement
                     ainsi restée rentable : ça a été le début   qu’il aurait fallu mettre une certaine pres-
                     de la fin de l’usine. Alors qu’il y avait plus   sion  sur  les  groupes,  que  ce  soit le
                     de 300 salariés au moment du H1N1, la   groupe Sperian et surtout ensuite sur Ho-
                     centaine d’intérimaires a été remerciée.   neyWell, en leur demandant des comptes,
                     Puis des vagues de licenciements ont   en leur demandant pourquoi ils envisa-
                     continué jusqu’à la cession de l’entre-  geaient de fermer cette usine alors qu’ils
                     prise à « Honeywell » en 2013. Honeywell   avaient bénéficié d’aides des pouvoir pu-
                     n’a pas non plus décidé de rapatrier la   blics pour l’extension de l’usine quand il y
                     fabrication de masques chinois à Plaintel,   a eu la crise H1N1, financée en partie par
                     et le groupe a continué les vagues de li-  les fonds publics (et pour le bâtiment et
                     cenciements, jusqu’en 2018 où l’on ne   pour les machines) ; j’estime qu’on aurait
                     comptait plus que 387 salariés. Son ob-  pu demander des comptes à ces deux
                     jectif : délocaliser la production sur un site   groupes » indique M. Fuan.
                     en Tunisie ! Sur les dernières heures de   Aujourd’hui, le groupe continue à pro-
                     l’entreprise, des lignes automatiques étaient   duire et à vendre une petite quantité de
                     capables de fabriquer plus de 5 000   masques, mais c’est un produit mineur. La
                     masques à l’heure.  Mais  elles  ne tour-  raison ? «  C’est un produit mineur pour
                     naient que quelques heures par semaine.   eux car il produit une faible marge » ex-
                     Entre-temps,  Honeywell  ne  donnait  pas   plique M. Fuan. Voilà comment la logique
                     de travail à l’entreprise, malgré les propo-  de rentabilité nous a amputé d’une pro-
                     sitions de Jean-Jacques Fuan, et des re-  duction essentielle pour faire face à l’épi-
                     preneurs possibles.                   démie de Covid-19.
                     « J’ai trouvé un entrepreneur qui était
                     non seulement prêt à reprendre les lo-
                     caux mais qui avait aussi proposé de
                     maintenir une proposition de masques,
                     ce qu’on lui a refusé, malgré le soutien
                     du directeur intérimaire de l’usine. Ho-
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