Page 108 - le barrage de la gileppe
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Dès ce moment, le personnel du Service, aidé           108
                                                         des sapeurs-pompiers qui douchaient les
                                                         escaliers descendant vers le bas du parement,
                                                         se mirent à l’œuvre pour curer les galeries et
                                                         réparer les appareils, vannes et soupapes
                                                         d’évacuation, endommagés par l’usure du
                                                         temps.


                                                            Ce qu’on appela « l’opération-vidange » attira
                                                         des dizaines de milliers de curieux à la Gileppe.
                                                         Des services d’autocars furent organisés, des
                                                         touristes affluèrent de tout le pays et la
                                                         gendarmerie de Limbourg eut beaucoup de mal
                                                         à régler la circulation.


               La Ligue des Pêcheurs de l’Est s’efforçait de repêcher les poissons : carpes, perches et
            truites, entraînées par le courant. Elle en recueillit trois bons milliers, dont deux cents
            truites « fario » qui repeuplèrent le petit lac de la Borchêne.


            La police judiciaire était sur place : la baisse des eaux allait sans doute faire réapparaître
            les corps de disparus, qu’elle avait de bonnes raisons de croire au fond du lac.


            Les restes de deux hommes — un suicidé et la victime d’un assassinat, racontait-on —
            furent retirés des eaux. On retrouva aussi dans le lit asséché des explosifs dont la
            découverte, le dimanche 8 novembre, fit interdire l’accès de la rive droite. Les démineurs
            firent sauter, le lendemain, des obus fumigènes et des roquettes de bazooka, projectile,
            antichars, et ce fut une belle gerbe de boue au milieu du lac, qui n’avait jamais connu de
            feu d’artifice.

               Le vendredi 18 décembre, les travaux de nettoyage et de réparation étaient terminés.
            Les vannes furent fermées et le lac commença à se remplir à nouveau. Au lendemain de

            Noël, il contenait déjà près d’un million de mètres cubes.


               Et le 26 février 1960, après une expérience de trois mois, l’eau de la Gileppe était
            rendue à la consommation et à l’industrie Verviétoise.
            Cette expérience avait été probante : l’industrie de la laine n’avait rien gagné, bien au
            contraire, à la substitution.


               L’eau de la Gileppe, naturelle, a sur celle de la Vesdre, épurée chimiquement,
            d’incontestables avantages pour le lavage des laines. L’usine de distribution de vapeur
            elle-même réclamait à grands cris le retour à la Gileppe. De leur côté, les ménagères

            constataient aux jours de lessive que l’eau filtrée exigeait beaucoup plus de savon. La
            démonstration était faite : la population verviétoise, à quelques exceptions près, préférait
            son eau naturelle et n’avait nulle envie d’une station d’épuration !

            Dans l’ancien val de la Gileppe

            En écoutant un vieux parent qui avait connu le pays de la Gileppe avant le barrage, nous

            avions rêvé bien souvent à ce val qui n’était fréquenté que par les bûcherons, les
            charbonniers, les chemineaux, les paysans menant leur bétail aux « Freûs prés » et le
            garde  allant à son cantonnement.

            Les coteaux plantés de chênes, de bouleaux, de hêtres et de sapins, parmi une
            végétation folle, étaient peuplés d’un gibier abondant. La nuit, des braconniers
            hantaient les bois, venant, sous le couvert, de Jalhay ou d’Eupen. Les oiseleurs y
            piégeaient des pinsons et des grives, et l’on voyait monter d’une clairière la légère
              fumée bleue d’un bûcher où les rondins se transformaient en braises, pour les fours des
            boulangers.
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