Page 90 - le barrage de la gileppe
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A M. Mawhood succéda l’ingénieur de la ville, M. Fettweis, qui conduisit le prince vers
les déversoirs et lui montra des plans. Son auditeur l’écoutait, un peu distrait, quand M.
Ketschgès, — regard à sa montre et geste vers son binocle, — s’approcha, priant
respectueusement S.A.R. de descendre jusqu’à la maison du barragiste, aux filtres et aux
prises d’eau. Le temps pressait, et la visite fut menée rondement. On remonta en voiture, on
ralentit un peu devant les parterres de fleurs disposés gracieusement devant le lavoir Pelzer,
à Goé, et l’on s’arrêta devant le monument surmonté du coq gaulois de la place
d’Andrimont, à Dolhain.
Les deux fanfares exécutèrent de « vibrantes Brabançonnes » à l’arrivée et au départ. Les
fillettes de deux combattants morts pour la Patrie, Mlles Delhavée et Perin, puis le petit
Manguette, le plus jeune prisonnier de guerre et fils de l’aide- barragiste, offrirent des fleurs
au prince.
Après avoir lui-même déposé une gerbe devant le monument, le duc de Brabant signa le
Livre d’Or à l’aide d’une plume du même métal précieux qui lui fut ensuite offerte sur un
écrin. Il s’arrêta et s’entretint familièrement avec deux anciens combattants qu’il avait
rencontrés aux tranchées, le garde-champêtre Demaret, de Baelen, et le facteur des postes
Julien Waudry, de Dolhain. Il leur demanda des nouvelles :
— Etes-vous mariés ? Avez-vous des enfants ? Etes- vous contents de votre sort ? Et il
serra les mains des deux braves anciens, heureux et fiers.
Le binocle de M. Ketschgès se faisait sévère. On repartit...
Elan vers la ville, traversée du populaire quartier des Prés-Javais, pittoresquement
décoré, station brève au monument de la Victoire, où deux combattants remirent au
prince une couronne de fleurs blanches, descente précipitée vers la Société d’Harmonie
où un thé fut servi, parcours de la ville en fête, jusqu’au monument Ortmans-Hauzeur et
à l’impressionnante tribune d’honneur qui s’élevait avec comme décor de fond le
majestueux bâtiment des postes. Bref, on ne traînait pas !
Le président du comité exécutif poussa alors un soupir de soulagement, heureux comme
un mécanicien qui vient de gagner une prime de célérité.
— Nous sommes cinq minutes en avance sur l’horaire, souffla-t-il à l’oreille d’un de ses
collègues.
Le prince Léopold se dirigea vers l’hôtel du vicomte Simonis, ancien président du Sénat, qu’il
désirait saluer avec une délicate sympathie, et fut reçu à l’entrée par son fils, le sénateur André
Simonis.
A son retour, il entendit des discours : du bourgmestre Defays, du ministre Baels ; une chorale
de trois cents chanteurs et chanteuses entonna la cantate primée au concours littéraire de la
Gileppe, paroles de Ghinio et musique d’Albert Dupuis.
Après le « tonnerre d’applaudissements », le prince félicita le Maître, qui dirigeait lui- même
son œuvre.
Puis il fut repris par son guide souriant et implacable, l’échevin Ketschgès, pour la visite de
l’exposition. Mais comment tout voir ? Il avait fallu trois heures au ministre Heyman, le jour de
l’inauguration, sans s’attarder ! Tant pis ! On conduira le prince partout, en mettant les bouchées
doubles. Il ne s’arrêtera un bon moment que pour serrer la main d’un invalide de guerre, M.
Huppen, de Clermont- Thimister.
Signature du Livre d’Or, départ, adieux...