Page 92 - le barrage de la gileppe
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LES ANNEES MAIGRES 92
La « petite histoire » de la Gileppe s’arrête-t-elle là ? Le lac glauque va-t-il dormir de «
sa grande paix morte », selon le mot de Camille Lemonnier, entre ses parois curvilignes ?
Nous pourrions ajouter quelques autres chapitres à notre petit blog, parler des projets
du gouvernement qui, avant la Première Guerre mondiale, voulait faire de la forêt, entre la
rive droite et la route de Drossart, un parc national agrémenté de promenades rustiques,
comme le sont les bois de Spa.
L’invasion du 4 août 1914 reporta brutalement la proposition à des temps meilleurs.
Mais quand vinrent les temps meilleurs — et si courts ! — personne n’y songeait plus... Et
le professeur Bouillenne invitait le Gouvernement, en pure perte d’ailleurs, à créer un
autre parc national, celui des Hautes Fagnes. La sécheresse
de 1921 II nous faut mentionner, cependant, le tournant dangereux, dans l’histoire de la
Gileppe, de l’année 1921, celle de la grande sécheresse. L’année commençait mal. Le
1er janvier, la réserve d’eau n’était que de quatre millions de mètres cubes. Cependant, le
mois de février, très pluvieux, la doubla de volume. Mais la descente recommença
bientôt, régulière, d’un million de mètres cubes par mo is.
La berge se découvrait de plus en plus et ’ l on voyait, nous ’ l avons dit, monter du lac
’ l ancien chemin de la Roche Picot et celui de la vallée, ensevelis sous les eaux depuis
1876. La passerelle reliant le chemin de la Roche Picot au « pazè ’ d Nèyawe » réapparut
au jour.
L ’ eau de la Gileppe était trouble et on ne la consommait qu ’ après ’ l avoir fait bouillir.
Le Collège échevinal se tenait en contact avec ’ l ingénieur, feu M. Fettweis.
Le 30 septembre, il prit un arrêté rationnant ’ l eau ménagère. Elle ne pouvait plus
être utilisée que pour les besoins stricts du ménage. Il était interdit de laver les fenêtres,
vitrines, autos, etc., et des mesures sévères étaient prises envers les contrevenants.
Des procès-verbaux furent dressés à d’inconscientes femmes d’ouvrage qui
nettoyaient leurs trottoirs à la douche, à des automobilistes qui en faisaient autant pour
leurs voitures, au grand scandale des passants.
Le 4 octobre, le Collège prit un nouvel arrêté. Les industriels, qui consommaient
d’une façon continue de fortes quantités d’eau, ne pouvaient plus l’utiliser que pendant
seize heures par semaine. La restriction ne concernait pas l’eau nécessaire à
l’alimentation des chaudières à vapeur. Les moteurs mus par l’eau de la Gileppe ne
pouvaient plus fonctionner à partir du lundi 10 octobre, exception faite pour les turbines
servant aux industries d’alimentation de première nécessité.
Le Conseil communal se réunit le 10 octobre et s’émut de la situation de l’industrie
verviétoise.
Un conseiller, M. Houget, interpella le président, et M. Pirard, échevin, donna des
détails sur la gravité de la crise. Le travail était réduit à deux jours par semaine !
Les industriels eux aussi étaient inquiets et cherchaient à s’alimenter par d’autres
moyens. Ils se mirent en rapport avec la commune de Dison, où une source très
abondante pouvait être d’un précieux secours.
L’eau allait être amenée par camions- citernes et, le 23 octobre, quatre de ceux- ci
arrivaient à Verviers.
Le 30 octobre, on nous apprenait au bureau des Eaux que la cote était à 30,74
mètres. Or, la prise d’eau se trouvait à dix mètres du fond de la cuvette, toute la masse
liquide inférieure à cette cote était inutilisable. Cependant le fond du lac est en forme
d’entonnoir, et ces dix mètres ne représentent qu’un volume de 7 242 m3. La quantité
d’eau que la vase rendait impropre à la consommation devait cependant être beaucoup
plus élevée.